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Dévotion
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Dévotion
22 mai 2012

Révélation.

     Je savais déjà qu’Elisabeth allait attendre des réponses. Je pensais juste avoir plus de temps pour me préparer à cela. Elle devait avoir maintenant presque quinze ans. Jusqu’où allait-elle grandir, est ce qu’à la fin de l’année elle serait une vieille personne ? Cette idée m’obligeait à envisager que la transformation en vampire était effectivement la meilleure solution pour ne pas la perdre. J’étais égoïste, mais elle était tout ce que j’avais toujours désiré et maintenant elle m’acceptait et m’avait même appelée maman. Qu’en serait-il lorsqu’ elle apprendrait notre condition vampirique. Comprendrait-elle notre manque d’humanité dans ce monde, qui ne sait même pas la valeur de ce mot. Comment la préserver et la protéger de la population haineuse et égoïste, qui peuple la terre autant que le ciel.

         - Moei ! 

         - Oui chérie. 

         - J’ai faim ! Je meurs de faim. 

J’allais poser la question mais la réponse me brûlait déjà les tympans. Je l’imaginais buveuse de sang ; nos liens en seraient peut-être renforcés. Elle avait bonne mine, le son des battements de son cœur était rassurant, ses joues étaient colorées, peut-être que je me trompais.

         - Qu’est ce qui te ferait plaisir ? 

        - J’ai tellement faim que je pourrais manger un homme. 

        - Pardon !  J’étais pétrifiée.

        - Mais j’avoue qu’un gâteau au chocolat me ferait très plaisir. 

        - Un gâteau ?  Oh merci Lucifer.

        - Qui est Lucifer ? Ses yeux étaient grands ouverts. Elle avait une soif d’apprendre aussi grande qu’un vampire en manque de sang.

         - Cette histoire sera pour plus tard, revenons au gâteau.

        - Oui, on pourrait le faire ensemble. L’autre a ramené des provisions, on pourrait cuisiner ensemble. 

         - Ne l’appelle pas l’autre, trésor. Même si ce n’est pas toujours facile de le comprendre, je lui dois tout. Je lui dois de t’avoir dans ma vie et rien que pour cela, je l’aimerai toujours. 

         -  Je ne comprends pas ton attachement. Je n’arrive pas à me sentir bien quand il est dans la pièce et je ne sais pas comment expliquer cette sensation désagréable qui m’habite en sa présence. 

         - Bon, passons à la cuisine et voyons ce que nous pouvons préparer.

Elisabeth sautait partout de joie, comme une petite fille de trois ans. Cuisiner… il y a des lunes que je n’ai pas fait cet exercice d’humain, depuis que je suis morte en fait. Je me souviens que j’aimais cela et que je me débrouillais plutôt bien à l’époque. Ma petite jeune femme tournoyait dans la pièce, des flots de paroles sortaient de sa bouche ; jamais elle n’avait parlé autant. J’eus l’impression de rêver ce moment et je m’attendais déjà au retour de bâton. Trop de bonheur, cela n’annonçait rien de bon. Je m’afférai à sortir les ustensiles et à parcourir chaque placard pour en découvrir le contenu. Elle avait raison, mes placards étaient pleins de victuailles. Elle prit place au bout de la grande table sur une chaise, telle une princesse sur son trône, et elle me contempla un instant en me regardant droit dans les yeux.

         - Moei, est ce que tu m’aimes ? 

         - Quelle question ! Je donnerais ma vie pour toi, tu es ce que j’ai de plus cher, avec l’autre. Je lui fis un clin d’œil. 

          - J’ai besoin de comprendre, je veux que tu me parles, que tu me dises la vérité. 

Sans la regarder, je me mis au travail. Mes sens étaient au rouge, j’avais peur de ce qu’elle allait dire, demander ou même vouloir.

          - Je t’ai vue tuer le loup, je ne l’ai pas rêvé ? D’un air détaché, je répondis par l’affirmation.

         - Toi et lui vous êtes différents de moi, pas vrai ? 

         -  Effectivement. 

         - C’est pour cela que l’on vit reclus dans un bois ? 

         - En quelque sorte. 

         -  Moei, je ne sais pas quel âge j’ai, ni pourquoi je grandis à une telle vitesse. Je ne comprends pas pourquoi je n’ai encore jamais vu âme qui vive en-dehors de vous deux. Je voudrais savoir pourquoi je ne vous vois jamais manger ou dormir. J’aimerais comprendre où part Soltan des jours durant. Je ne suis plus un bébé, j’ai besoin d’avoir des réponses. Pourquoi je suis là avec toi et pourquoi je n’ai pas le droit de sortir, est-ce que je suis prisonnière ? 

        - Non ! bien sûr que non. Tu es chez toi ici. 

        - Pourquoi ma vie ressemble à un grand point d’interrogation ? Comment je sais tout ce que je sais : parler, marcher, sans jamais avoir appris ? Pourquoi j’éprouve l’envie de lire alors que je n’ai jamais vu un livre ? Pourquoi j’ai soif de connaissances et pourquoi je suis persuadée que j’ai un rôle important à jouer alors que je ne sais finalement rien, ni comment, ni pourquoi ?

Je la dévisageai. Comment mon petit bout était-il devenu si savant et si grand en quelques mois. Je m’étais bercée d’illusions, croyant que seul l’amour que je lui portais était important, et tout-à-coup je me sentis mauvaise mère.

        - Je vais essayer de répondre, mais je ne sais pas tout. Tu es encore une énigme pour nous et je pense effectivement que tu es un être précieux en-dehors de ta valeur chère à mon cœur. Malheureusement, l’histoire que je vais te conter n’est pas une histoire pour enfant. Cela va être difficile à entendre et certainement encore plus à comprendre. Je veux que tu gardes en tête que chaque mot prononcé est la stricte vérité et je m’en excuse par avance. Tu dois d’abord prendre conscience que même si je te raconte toute la vérité, tu ne te sentiras pas mieux pour autant et tu ne seras sûrement pas plus libre que tu l’es maintenant. 

         - Je veux savoir ! Je veux pouvoir te parler à voix haute de tout, de mes craintes et de mes ressentis. Je ne sais pas jusqu’à quand mes douleurs me laisseront tranquille, si c’est un état permanent ou si ce n’est que passager. Je ne veux pas perdre de temps. Raconte-moi, s’il te plaît maman. 

Si jeune et déjà si habile ! Ce dernier mot venait de faire tomber mes barrières et tout en continuant de cuisiner pour me donner une contenance, je racontai ma vie. Ma vie d’humaine, mon amour pour Soltan, la trahison du ciel, le bannissement et bien sûr notre nouvelle condition de vampire avec tout ce qui est son lot. Elle restait muette, différentes expressions traversaient son visage, qui était devenu gracile avec la maturité de son corps. J’arrivais maintenant à la nuit au Soltan me l’avait ramenée. Je pris soin de lui décrire tout ce que cela représentait pour moi et à quel point elle comptait. Comment chaque jour elle grandissait et comment chaque jour elle restait un mystère entier, même pour moi.

Afin de la protéger, je ne dis mot de son appartenance certaine au clan des anges et je décrivis nos ennemis comme ils devaient parler de nous.  J’inversais les rôles et devant mon ange de fille, j’étais celle que j’avais toujours voulu être : un ange du bien, qui se battait contre les forces du mal, épaulé par son homme envers et contre tous.  Je lui expliquai comment, la sentant en danger, l’odeur du sang avait aiguisé mes sens, comment croyant la perdre à jamais je m’étais jetée sur l’animal pour le tuer, comment nous avions décidé de lui donner un peu de mon sang pour compenser la perte du sien. Mon monologue prit la moitié de l’après-midi et elle écouta sans jamais m’interrompre. J’aurais aimé que Soltan soit rentré pour m’épauler quand elle allait reprendre la parole. Qu’il soit là pour confirmer mes dires et la rassurer, elle ou moi d’ailleurs, même si elle ne lui faisait pas confiance. Sur la table à présent se tenait un buffet de roi. J’avais préparé à manger pour une réception.

Elisabeth se leva sans un mot, les larmes perlaient sur son visage, la couleur rosée de ses joues du début de journée était devenue terne et ses yeux cernés. Je vis sa bouche faire des petits mouvements, mais aucun son ne sortit. Elle mit les mains sur ses tempes et son visage se crispa. Je me rendis compte que notre merveilleux échange venait de prendre fin. Les migraines avaient refait surface. Malgré tout, elle souffla un « Merci » avant de s’écrouler au sol.

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  • La raison du coeur est tel toujours toujours la meilleure Il nous arrive tous à un tournant de notre vie de devoir faire un choix: le coeur ou la raison. (Reproduction interdite sans autorisation .)
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