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Dévotion

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Dévotion
12 août 2012

Remerciements

Voici la fin du tome 1. Je suis déjà sur l'écriture de la suite. J’espère que cette histoire vous aura touché et surtout qu'elle vous aura plus.

Je vous remercie tous pour votre soutien, car même si écrire est un exécutoire, on espère toujours secrètement que les mots rencontreront un lecteur qui aura rêvé au fil des pages.

Peut être qu’un jour un éditeur sera convaincu, la chance, le talent ou une rencontre ferons peu être ce miracle.

Quoi qu’il arrive personne ne m empêchera jamais d’écrire.

 

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12 août 2012

Epilogue

Il faut toujours faire attention à ce que l’on souhaite le plus au monde. Un jour, quand on s’y attend le moins, ça peut finir par arriver.

Je me rends compte que la vie n’est jamais toute noire ou toute rose. La mort non plus du reste. Les choix que nous faisons nous entraînent toujours dans une direction différente. Les gens que nous rencontrons font de nous ce que nous sommes.

 Aujourd’hui, je voudrais savoir ce que je vais devenir. La mort ne veut pas de moi, c’est évident car, malgré tout ce que je viens de traverser, mon cœur bat encore dans une poitrine qui n’est pourtant pas la mienne. J’ai mal à la tête, j’entends un bruit de fond incessant, cependant au loin une chanson me semble familière et pourtant je ne la connais pas.

Il est là, il veille sur toi, tu n’as qu’à tendre les bras.

 De beaux rêves tu feras, de ses ailes il te protègera.

 Dors, dors mon beau trésor, il fait très froid dehors.

 Je te donne de doux baisers, rien que pour te réchauffer.

Dors, dors mon beau trésor, je serai là jusqu’à l’aurore.

 

Je voudrais juste comprendre ce que l’on attend de moi. J’ai un rôle important à jouer c’est incontestable sinon pourquoi me réveillerais-je ce matin dans la peau d’un ange.

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12 août 2012

Face à Face.

     Nous avions fini par nous laisser aller, suivant la force de l’arc. La vitesse à laquelle nous progressions était vertigineuse.

Nous évoluions vers les points brillants qui devenaient plus gros à mesure que nous avancions. Des lieux et des lieux séparaient à présent la maison de Claire et notre position. Je pouvais mesurer l’osmose parfaite que je formais avec mon frère dans cette édifiante sphère  protectrice. Ce n’est que lorsque nous commençâmes à pénétrer dans les bois, que je fus certain de notre but. Nous allions débusquer Soltan et peut-être retrouver Elisabeth.

C’est sur une dernière pression, que nous échouâmes dans une clairière. Je distinguai des formes figées sous une pluie de petites lumières miroitantes.

La vitesse de nos déplacements s’était ralentie. Devant nous je différenciais trois vampires ; leur aura ne faisait aucun doute sur leur espèce. Cependant, ce qui me glaça les veines, fut de me retrouver devant la mort elle-même. Les caricatures des dessins de mes livres d’école avaient su parfaitement la décrire. Le seul détail, que l’on ne pouvait deviner dans un bouquin, était l’effet que produisait sa simple présence.

L’arc était soudain devenu glacial et l’atmosphère pesante. Tout le monde se dévisageait dans un silence morbide.

- Eh bien Soltan, tu ne fais pas les présentations ? demanda la mort.

- Soltan ! Ce nom résonna en écho dans notre tête.Nous étions au bout de notre quête. Comme j’aurais souhaité ne pas me trouver ici, seul avec mon jumeau.

Je reconnus avec peine l’homme qui s’avançait, prudent. Mon souvenir de lui, dans la tête de Claire, était plus noir. Celui-ci était propre et bien habillé, beaucoup trop pour se trouver dans une forêt au milieu de la nuit. Que faisaient-ils tous là. Je percevais que notre présence était inattendue, et l’homme, reconnu si bestial, était plus proche d’un dandy que d’un tueur.

- Des présentations ? Je ne vois pas ce que vous attendez de moi, répondit-il d’un ton abrupt.

- Très bien ! Jeune marié, je te présente les fils de Gabrielle et de ton bien cher frère Michel.

Le prénom Michel eut l’effet d’un courant électrique sur Soltan.  Malgré le voile de la nuit, je distinguai le feu rougi de ses yeux.

- Baliverne,  il n’est plus mon frère ! Ils ne sont rien pour moi.

Une seconde personne s’avança devant nous et la surprise de rencontrer un tel personnage fut grande.

- Il me plairait de me taire mais, dans de telles circonstances, je ne peux point. Je suppose que vous venez vous battre ? Qui défend ses intérêts arme au poing, engendre la violence, c’est évident. Je dois bien avouer que je restai sans voix ; ce jeune vampire avait à peu près notre âge et  pourtant son éloquence était stupéfiante.

Je devais aller au bout de ma quête, sinon je le regretterais toute ma vie.  L’ivresse de la puissance de l’arc me donna ce courage.

- Vous savez très bien ce que je suis venu chercher. Vous m’avez volé ce que j’ai de plus précieux. Je suis venu mettre fin à vos petits jeux macabres. Les seules brutes camouflées ici  présentes, c’est vous. N’inversez pas les rôles.

A ma grande surprise, nos petits échanges semblaient divertir la mort, qui prit place au-dessus d’un tas de gros rochers, comme pour s’installer confortablement près d’un feu de cheminée.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, petit garçon. Ce soir est un jour de fête chez les tiens comme chez les miens et je te propose de remettre cet entretien à plus tard.

- As-tu perdu la tête Soltan, personne ne part d’ici ! As-tu oublié qui se repaît du sang de ses victimes. Le mariage a- t’il fait de toi un amnésique au point d’oublier que ces deux là sont des anges et pas n’importe lesquels, imbécile. Le ciel t’a banni, ils sont tes ennemis.

- Il y a un temps pour tout et là c’est inapproprié. Mon regard est amer et je me sens dépossédé, frustré et injustement puni. Comment pourrais- je oublier ce qu’ils représentent ?  Personne n’a le droit de m’en vouloir d’avoir choisi l’amour pour une humaine plutôt que l’amour pour les cieux. C’est tout ce que j’ai à dire à ces deux là, ce soir.

J’avais de la peine pour lui. Le temps semblait l’avoir modifié, j’entendais son cœur battant à la vitesse de millions d’espoirs déçus.

- Je n’ai aucunement l’intention de partir et, s’il le faut, je vais me battre. Tu te caches derrière de beaux habits et un jeune homme instruit, néanmoins je sais qui tu es, une bête sanguinaire sans état d’âme, avec pour seules compagnes la rancœur et la vengeance !

Je ne savais pas comment mon frère avait eu l’audace de crier cela mais j’étais, moi, en perception directe avec ce que Soltan pouvait dire ou ressentir. Je ne voulais pas me battre, je voulais juste m’assurer que tout finirait bien.

- Dépourvu d’humanité, je suis devenu cruel à tes yeux, mais mon cœur n’est pas sec pour autant. Je n’oublie pas d’où je viens. Je compose seulement avec ce qui m’a été offert. Ce n’est pas à ton goût, hélas je n’ai pas d’autre choix : survivre ou mourir.

- La vérité n’est pas forcément la même si l’on est à ta place ou à la mienne, renchérit Samuel.

- Je le reconnais, alors je vais prendre un exemple. Admettons que des règles m’interdisent d’aimer, de vivre où bon me semble, d’avoir ma propre famille, ma propre philosophie de la vie, parce que le ciel trouve que c’est mal. Peut-on accepter que ce soit bien d’être privé de liberté ?

- Ne mélange pas tout, la liberté a ses limites Soltan, au ciel ou sur la terre. Tu supprimes les nôtres ; quelle loi positive te donne ce droit ?

- Le droit naturel, bien évidement. Ma nouvelle condition a ses propres règles et me nourrir de sang m’est vital. Je ne l’ai pas choisi cela, ça m’a été imposé.

- Il y a toujours une alternative à toute chose. Et pour l’enfant, quelle est ton excuse ? demanda mon jumeau.

Je ne m’étais pas rendu compte que la personne plus en retrait dans l’ombre des arbres était, à ne pas en douter, Moeira. Je sentis son cœur se serrer tellement fort lorsque Samuel parla de l’enfant, que je ne pouvais pas en douter. Elle était belle, je ressentais son attachement à Elisabeth. Samuel était dans notre halo, le guerrier, la force et j’avais le rôle du penseur, de l’analyste. Je commençai à scruter chaque détail qui pourrait m’être utile. J’analysai le comportement de chacun, l’environnement. On aurait dit une fête, une célébration peut-être. Soltan y avait d’ailleurs fait allusion. Je me préparais déjà à anticiper le moindre geste de notre adversaire et l’arc se repositionnait sur le mouvement de chacune de nos cibles. Il fallait se rendre à l’évidence, l’arc ne pourrait tirer qu’une flèche à la fois, nous étions en sous-effectifs par rapport à nos ennemis.

- Je n’ai rien à dire. Vous en aurez d’autres des enfants, pourquoi vous attacher à celle-là ? La colère me gagna.

- Celle-là, comme tu dis, est ma chair et mon sang, et si tu veux que notre petite rencontre se passe sans accroc, je te conseille de m’en dire davantage. Je veux savoir comment elle va ? Où elle se trouve ?  Tu dois me la rendre, elle n’est pas l’une des vôtres.

- Heu... ! Pardon, si je peux me permettre un détail, dit la mort. Techniquement, il ne peut y avoir d’autre enfant. Je vous rappelle que les jumeaux n’ont droit qu’à une unique portée par lignée. Pour être plus claire, si toi tu es le père, ton frère à perdu la chance d’avoir un jour des enfants. Comme c’est risible, c’est moi la mort qui vous apprend cela ?

- Qu’est ce que tu racontes ? Questionna Samuel.

- Je n’invente rien. Ca fait partie des règles secrètes du ciel, je crois qu’il appelle cela la Balance Céleste. Bizarre, personne ne semble au courant. Pourtant, je vous assure que c’est la stricte vérité. Votre mère aurait pu vous le confirmer, malheureusement votre chemin s’arrête ici.

- La mort a raison, c’est pour cela que j’en ai pris un seul.

- Pardon !!! Tout le monde était interloqué par la réponse du vampire.

             - Vous êtes tous tombés sur la tête au quoi ?  Soltan dit que la petite Elisabeth a une sœur jumelle. Bordel, Soltan est-ce que tu plaisantes ? Tu ne peux pas être aussi bête et n’en avoir pris qu’une. Te rends-tu compte que tu bouscules tous mes plans ? La mort pestait, elle était énervée, sous sa cape les feuilles tournoyaient à toute vitesse.

- Elle est sans doute morte de toute manière, comme sa mère.

- Claire n’est pas morte ! Nous avions crié cela comme une victoire. Elle se porte plutôt bien même. C’est à ce moment-là que tout s’accéléra.

    La femme derrière s’était rapprochée de Soltan à vive allure.

- Alors tu as menti, comment as-tu pu me faire cela. Personne ne me prendra ma fille tu m’entends ? Personne !

- Cette rousse est vraiment idiote, je te l’avais bien dit, ricana la mort. C’est une nature propre au vampire mais, aussi à l’être humain. Tu croyais quoi, que tu épousais un preux chevalier ?

Les yeux de Moeira devinrent rouge vif et une paire de crocs sortit de sa bouche, annonçant que les hostilités allaient commencer.  L’arc avait reconnu le danger et immédiatement il enclencha le mécanisme  pour tirer sa flèche sur Moeira, qui représentait un danger immédiat.

Un cri strident fendit la nuit noire.

               - Non ! Moeira attention !!

 - Elisabeth reste à ta place ! la mariée avait fait signe à une personne que je n’avais pas devinée jusqu’alors. Celle-ci courait à la vitesse d’un ange dans sa direction. Je n’aurais jamais imaginé qu’elle puisse être déjà si grande et ça paraissait même absurde. Pourtant, elle était d’une aisance naturelle, une séductrice née, un piège à ennuis tout comme sa mère. C’était bien ma fille, subtile, intuitive et attentive, elle avait deviné le moindre de nos gestes. J’avais cru être l’observateur dans ma bulle, mais j’étais en fait sur sa fréquence à elle. Voilà comment je pouvais avoir de la compassion pour Soltan, pourquoi je trouvais la Mort sans intérêt alors qu’elle m’avait glacé à mon arrivée, pourquoi le jeune homme  bien éduqué éveillait en moi un vif intérêt et enfin je compris mon jugement sur Moeira belle et protectrice. J’étais dans sa tête. Je pouvais peut-être lui parler directement. Hélas, je l’avais compris trop tard. La flèche parcourait les quelques mètres entre nous et Moeira, Elisabeth couraient droit dessus en criant.

- Jamais je ne laisserais te faire du mal.

Pour rien au monde je ne voulais la blesser ; si du mal lui était fait je resterais brisé à jamais. Je me mis également à courir dans leur direction. Ma volonté entraîna mon frère dans ma course. Je tentai de l’envelopper dans un voile de protection, ce don que j’avais utilisé pour bloquer l’accès de la maison de Claire à Samuel. Mais, c’était sans compter sur la génétique de ma progéniture, qui avait projeté Moeira au sol, se couchant sur elle, et enveloppée de ce même champ.

Notre vitesse était trop rapide et la protection de notre bulle rencontra mon champ magnétique et celui qu’Elisabeth venait de fermer sur elle et Moeira. La flèche traversa les trois niveaux de couche  et se brisa en un éclair qui, à ne pas en douter, avait été vu du ciel. Le contact provoqua une explosion des champs en nous projetant aux quatre coins de la clairière.  Les éclats de nos voix et des cris d’horreur résonnèrent de partout, pour se murer ensuite dans un silence de plomb.  Nous étions sonnés par le choc, j’arrivais à peine à voir autre chose que cette lumière qui m’avait aveuglé. Je me sentais vulnérable et je pensais être une proie facile. Pourtant, il ne se passa rien ou presque, une berceuse lointaine chantait tel un songe à nos oreilles ou dans nos têtes :

Il est là il veille sur toi, tu n’as qu’à tendre les bras.

 De beaux rêves tu feras, de ses ailes il te protègera.

 Dors, dors mon beau trésor, il fait très froid dehors.

 Je te donne de doux baisers, rien que pour te réchauffer.

Dors, dors mon beau trésor, je serais là jusqu’à l’aurore pour te porter

Je sais que le soleil brille plus fort, maintenant que tu es à mes côtés…

 

Puis plus rien, pas un bruit, pas un son. Je me demandais si j’étais devenu sourd en plus d’être aveugle.

- Samuel,  tu m’entends ? Je tentai de lui parler par la pensée, étant trop affaibli pour dire un mot.

- Oui, où es-tu ? Les vampires ont ramassé Elisabeth et la femme vampire et ils se sont enfuis.

- Mais toi, où es tu ?

- Je suis derrière le presbytère en ruines et toi ?

- Je crois que je suis au même endroit. Mon frère était juste dos à moi ; nous étions tous deux allongés dans les feuilles. Mon Arc au sol nous séparait.

- Je vais avoir un peu de mal à me relever tout de suite.

- Ne t’inquiète pas, j’ai le corps meurtri, j’ai l’impression d’être brisé de partout. J’ai même dû perdre quelques plumes.

- C’était grandiose, nous en avons appris en une nuit plus qu’en pratiquement deux ans d’investigations.

- Oui, mais nous n’avons pas libéré Elisabeth.

- Nous n’aurions pas pu la ramener, elle a pris sa décision Samuel. Durant tous vos échanges verbaux, j’étais sur sa fréquence et je sais ce qu’elle ressent. Elle ignore tout des anges, son monde est vampire. Il va falloir du temps, peut-être ne me reviendra-t-elle jamais.

- Alors, tu vas abandonner ?

- Jamais je ne ferai une chose pareille, mais je sais qu’elle est en sécurité tout le temps que Moeira est à ses cotés. Son amour pour ma fille est immense.

- C’est une situation très délicate, surtout que des questions viennent s’ajouter.

- Oui, j’ai une autre fille quelque part et je te parie mes ailes que Gabrielle le sait très bien. Je te remercie Samuel, je n’aurais jamais réussi sans toi.

- C’était extraordinaire, je ne me suis jamais senti aussi fort et sûr de moi. Comment vais-je pouvoir reprendre ma routine à présent ? Je trouvai la force de rouler sur moi-même et sur le dos de mon frère je vis quelque chose de choquant.

- Samuel, retourne-toi, il y a quelque chose d’anormal. Mon frère roula sur lui-même bon gré mal gré et sur son visage je lus la stupeur et l’effroi.

- Satya ! dit il d’une voix chevrotante, montrant du doigt quelque chose derrière moi.

- J’ai quelque chose à te dire Samuel, garde ton calme. Il avait du mal à avaler sa salive, son regard était effrayé. En même temps, nous posions la question qui était loin d’être un détail.

- Satya, pourquoi tes ailes sont blanches ?

- Samuel, pourquoi tes ailes sont noires ?

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12 août 2012

Chapitre XIV. Le mariage.

C’était le plus beau jour de ma vie. J’avançais dans ma belle robe avec ma fille à la main, dans le soleil couchant. Le début du printemps était une magnifique période. Le vent était léger et le ciel paré de couleurs tendres. Je sentais Elisabeth anxieuse, je la rassurai d’un regard bienveillant. L’apprêter m’avait ravie, elle s’était laissée faire sagement comme lorsqu’elle était petite. Mon talent de couturière  était sans pareil, nous étions deux princesses allant au bal de leur vie. Elisabeth portait une robe longue couleur lavande. J’avais cousu des perles sur toute la hauteur de ses jupes, on aurait dit des gouttes de rosée. Ses manches ballon  et son décolleté en v mettaient en valeur sa petite poitrine naissante. A sa taille, un splendide ruban de satin était noué dans le dos, soulignant sa cambrure. J’avais fait un chignon haut avec ses cheveux d’or, laissant tomber les plus grosses boucles en cascade autour de son visage. A son cou pendait un petit camée en ivoire, héritage de ma mère défunte. Devant la glace elle s’était mirée et d’un petit air mutin avait réclamé une ration de sang  en pensée et aussitôt rassasiée s’était exclamée de vive voix :

      - Nous sommes époustouflantes, dommage qu’il faille se rendre dans un bois et non dans un château, comme la tenue l’exigeait. Je n’avais pas relevé, son humour me faisait penser à mon futur mari et je trouvais cela mignon ; lui rappeler aurait assurément assombri le début de la soirée. Je m’étais contentée de lui déposer un baiser sur le front. J’avais jeté un dernier coup d’œil à ma robe. J’avais beaucoup hésité, du blanc ou du noir,  gros jupon ou crinoline, sexy ou sage. J’avais finalement choisi un satin crème. Chaque extrémité était recouverte d’hermine donnant un côté princesse russe et une tenue parfaite à l’ensemble. Mes manches longues partaient en pointe sur le dessus de mes mains. Une petite fantaisie personnelle que j’avais tendance à faire sur mes habits de tous les jours. Je trouvais que ça me concédait de la longueur et me faisait des mains graciles. J’avais préféré un jupon sous ma robe, pour donner un léger volume et faciliter les déplacements  entre les arbres de la forêt. Sur ma tête, une tiare tenait sur l’avant de mon chignon roux impeccable. Je me trouvais divine, enchanteresse. Je ressemblais à un ange ou une humaine, s’il n’y avait pas eu le rubis de mes yeux pour trahir ce que j’étais vraiment. A mes pieds pas de jolis escarpins, j’avais préféré pour nous deux une jolie paire de bottines, identique, plus sûre pour courir les bois.

A l’approche du lieu de rendez-vous, mon cœur semblait avoir des ratés et je dus m’arrêter quelques minutes pour reprendre mon souffle.

       - Tout va bien se passer Moei, rassure-toi. Elisabeth me caressait le dos de la main.

       - Evidemment mon cœur, je ne sais pas pourquoi je suis aussi stressée.

Nous arrivâmes près de la clairière et à notre approche la magie des préparatifs prit tout son sens. Une allée centrale avait été créée, bordée de flambeaux pour me conduire à l’autel. Des rubans et des cristaux à facettes étaient suspendus tout le long dans le branchage des arbres. Les reflets de lumière dansaient sur la toile de la nuit qui prenait place, donnant un côté féerique aux lieux. Même notre ancienne demeure avait été revisitée, elle aussi, pour l’occasion.

La mort avait ajouté sa petite touche personnelle, le sol était couvert d’un épais brouillard blanc. Derrière un amas de grosses pierres, que l’on aurait cru sorties d’un conte celtique, se tenait la mort de toute sa grandeur. Devant, Soltan  et Vincent étaient dos à nous. Je perçus la tension de mon bien-aimé et elle me rassura. Le savoir dans le même état que moi me soulagea grandement.

J’avançai solennellement sur le chemin éclairé, la mort releva ses manches tel un chef d’orchestre et commença à agiter les bras. Je ne saurais vous dire par quel sortilège mais une douce musique accompagnait chacun de mes pas.

      - Ecoute Moeira, la forêt chante pour vous, c’est magnifique. Ma fille me serra encore plus fort la main. Je ne saurais vous dire si c’était pour me donner du courage ou pour s’en donner à elle.

C’est seulement lorsque je m’approchai de l’autel que Soltan se tourna vers moi. Il était tellement beau dans ce clair de lune naissant que mon cœur se mit en pose. J’étais comme coupée du monde, au-delà du temps qui passe, au-delà de moi-même. C’est seulement au contact de ses lèvres appuyées sur les miennes que je repris conscience.

      - Tout va bien se passer ma déesse. Tu es d’une beauté mortelle, me susurra-t-il à l’oreille.

      - Bien, tout le monde est là, nous allons pouvoir commencer. Pour ne pas gâcher mon plaisir je me tournai face à mon futur époux, éloignant de ma vue le pseudo prêtre qui allait officier. Je ne voulais pas le garder dans mes souvenirs. Elisabeth était fixée sur mes pensées et chaque petite chose qui se passait en moi la mettait de plus en plus sur ses gardes. J’aurais aimé la prendre dans mes bras, la regarder, la rassurer mais j’étais hypnotisée par mon bellâtre. Il n’avait jamais paru plus beau que ce soir là.

       - Elisabeth ! Vincent ! Je vous prends à témoins ce soir de l’union que je vais célébrer entre Soltan et Moeira. Il vous incombera de rapporter les faits si nécessaires dans les temps à venir. Et vous, vampires, savez que du temps vous en avez. Pour officialiser cette union, j’ai demandé à nos deux futurs époux d’échanger leurs promesses. Soltan, si tu veux bien commencer !

      - Cette nuit et devant témoins, avec toi et à jamais même dans la mort, je fais le serment de vivre et de mourir d’amour pour toi.  Il me tenait les mains ; les yeux dans les yeux, il me fit la promesse d’un toujours au-delà de la vie.

      - Très touchant, idiot mais touchant. Moeira, nous vous écoutons.

      - Peut être qu’une seule personne peut faire la différence et je suis sûre que cette personne peut être toi.  Dés le début nous fûmes passionnés, amoureux. Aujourd’hui, nous arrivons aux portes de la possession mutuelle, m’imprégnant de toi au-delà de la mort. Je fais le serment d’être toujours ta lumière pour te guider à travers les jours obscurs et dépouillés ; de te guider sur le chemin le plus juste malgré notre destinée funeste. Je t’aime depuis toujours et te remercie pour notre enfant. Promets-moi encore, juste une fois, de veiller sur elle comme sur moi et ce soir je te dis oui sans retenue aucune mon Soltan, mon roi.

     - Je te le promets Moeira.

     - Poétique, avant-gardiste et maligne avec ça, je me suis trompé sur elle, dis moi. La mort pouvait essayer tout ce qu’elle voulait, ce soir était à nous. La faucheuse n’arriverait pas à entacher notre bonheur. Soltan, par les pouvoirs que je me suis conférés, acceptes- tu de prendre pour épouse Moeira ici présente ?

     - Oui ! J’accepte.

     - Moeira, par les pouvoirs que je me suis conféré, acceptez-vous de prendre Soltan pour époux ?

       - Oui ! J’accepte.

       - Parfait ! Je vous déclare mari et femme. Félicitations à vous deux.

Sous une pluie de pétales de roses lancés par nos deux témoins, nous nous embrassâmes tendrement. Une lueur éblouissante, qui semblait venir des bois, nous sortit de notre transe amoureuse.

       - Merveilleux, la nuit tient toutes ses promesses. Soltan, petit cachottier, tu ne m’avais pas dit que tu avais convié tes neveux. Tu aurais pu me prévenir, c’est inconvenant ; j’aurais attendu pour vous unir. Son rire fit cesser la petite brise de printemps, un curieux malaise gagna chacun de nous. Mon conte de fées venait de prendre fin. Trop de bonheur d’un coup, j’aurais du m’en douter. Le réveil allait être amer. La boule de lumière avançait vers nous à toute allure. Par sécurité, je pris soin de dissimuler Elisabeth derrière moi. Personne ne toucherait un seul de ses cheveux, même au péril de ma propre existence.

 

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12 août 2012

Escapade.

Comme convenu, Samuel me rejoignit dans ma chambre. Je cherchais toujours une excuse pour éventuellement annuler  notre petite escapade mais je ne trouvais rien. Par ailleurs, je devais bien admettre que j’étais fier de pouvoir l’emmener tel un espion dans ma vie secrète.

    - Alors, prêt pour l’aventure ? Demandais-je à mon frère.

    - Tu n’imagines même pas à quel point, je n’arrive pas à tenir en place depuis que je t’ai quitté. J’ai pris soin de dire à Claire que je devais m’occuper de la mise en place des futures naissances pour demain et que par conséquent je ne serai pas disponible ce jour.

    - J’aurais peut-être dû aussi trouver une excuse pour Kara. Ayant quitté le bal, elle va sûrement vouloir me parler pour avoir une explication.

     - Rassure-toi, toutes les filles ont été sollicitées  pour être demoiselles d’honneur pour les mariages, Claire et Kara compris.

    - Super, dans ce cas nous sommes tranquilles pour la journée. Alors sortons d’ici.

     - Tu ne prends pas de sac ? M’interrogea Samuel.

     - Mes affaires ne sont pas ici, nous devons nous disperser pour ne pas éveiller les soupçons. Retrouvons-nous sur la piste nord d’envol. Pars devant, je dois aller chercher mon équipement, je te rejoins là-bas. Ne t’arrête pas en route, chaque minute compte. Je ne pouvais pas me montrer avec Samuel dans les appartements d’Artus, c’était trop risqué. J’évitais par la même occasion de lui montrer notre cache et ce qui allait avec. Je ne trahissais pas mes amis en protégeant notre lieu avec son passage secret. Je n’exposais que moi–même si je rencontrais l’un d’entre eux.

Devant la porte d’Artus, mon cœur battait la chamade. Je n’avais même pas trouvé de prétexte à donner si jamais il se trouvait là. Je scannai les alentours. Je ne perçus aucune présence. La pièce était vide, je fis précipitamment un sac, par acquis de conscience je griffonnai un petit mot que je laissai à l’attention d’Artus. Si ça tournait mal, il saurait où me trouver. Si tout se passait bien, je récupérerais le mot à mon retour. Je tirai le livre qui déclencha le mécanisme du passage secret. Dans le sas, je récupérai ma gourde et mon arc et je me laissai tomber dans le vide pour arriver le plus vite possible sous le niveau des jardins des unificateurs, juste quelques mètres au-dessus de mon point de rendez-vous.

Samuel m’attendait, caché dans les nuages.

   -Tu en as mis du temps mais, qu’est ce que c’est que tout ce matériel ?

   - Plus tard les questions, suis-moi !

Je me dirigeai directement vers l’ancienne maison de Claire, là où tout avait commencé. L’endroit était resté stérile depuis l’attaque et le manque d’habitation alentour assurait de passer incognito. Cependant, dès notre arrivée, je rétractai mes ailes, invitant Samuel à faire de même. Je dissimulai mon arc sous une grande cape qui me descendait aux chevilles et dans un silence de plomb nous courûmes jusqu’à la demeure.

    - Voilà, nous devrions être tranquilles, le temps que je te donne quelques explications.

    - Tu es sûr de vouloir revenir ici. Cet endroit me donne la chair de poule.

    - Claire est en bonne santé, alors cesse de faire ton peureux.

    - Alors montre-moi ce que tu caches là-dessous. Il désigna la cape, ses yeux étaient rivés dessus.

    - Tiens-toi prêt ! Ce que je vais te montrer et te raconter est digne d’une histoire fantastique. Je fis glisser le manteau de mes épaules pour laisser apparaître mon arc flamboyant et ma gourde armée de ses flèches.  Mon frère recula de deux pas. Je ne savais pas si c’était par crainte ou pour mieux admirer. Je vis à son visage qu’il était bluffé. L’effet de surprise l’avait muré dans un silence d’émotion. Puis l ‘étonnement laissa place à un flux de questions.

   - Mon dieu, je n’ai jamais rien vu de pareil. C’est avec cela que vous chassez les vampires ? Comment ça fonctionne ? Vous en avez tous un ? Même les filles ? Est-ce que les unificateurs sont au courant ? Est-ce que c’est lourd ? As-tu déjà tiré avec ?

Mille et une interrogations venaient prendre le relais une à une, sans que j’aie le temps d’apporter la moindre réponse. Il s’était lancé dans un monologue de demandes et c’était bien normal. J’attendis qu’il les pose toutes et quand il fut enfin à cours, je commençai mon récit par le début. Je lui ouvris mon monde au travers de mon esprit, je lui fis revivre mes premiers débuts : la boîte dans ma chambre, Artus nous expliquant le fonctionnement des arcs, la gourde, les flèches, l’entraînement, les appartements de celui-ci avec notre porte secrète. Je lui retranscrivis les émotions vécues lors de l’apprentissage de l’arc. Je le faisais spectateur de ma vie passée sans lui ces derniers mois. J’étais un livre ouvert et j’avais le meilleur des lecteurs. Samuel se délectait de chaque passage, la cuisinière, Bellême, le cabinet de Docteur et Kara. Je ne lui cachai rien, je voulais qu’il sache tout, qu’il se rende compte du danger, de mes craintes et de mes espoirs. C’était libérateur de me livrer ainsi à lui. J’avais l’impression de purger mon âme. L’inquisition de ma vie dura pratiquement toute la journée. Nous étions épuisés d’être restés là face à face en tant qu’humains.

   - Il est temps d’aller ressortir nos ailes, avant de tomber d’épuisement.

  - Cet état d’humain est pénible. Je ne sais pas comment tu fais pour t’y acclimater aussi bien.

   - Je n’ai pas le choix, mais je te promets, on s’y fait très bien. Manger est plutôt agréable. Rentrer dans des draps frais après une journée harassante est une vraie récompense. Tout a un sens particulier et différent du ciel.

  - Je reste sceptique. Je te remercie pour le cadeau que tu viens de m’offrir, je suis très fier de toi et je me rends compte que tu prends un énorme risque en partageant tous cela avec moi. J’ai encore une dernière requête si tu me le permets.

    - Bien au point où j’en suis, je ne peux plus rien te refuser il me semble.

     -  C’est juste une vérification. Je te préviens tu vas trouver cela très absurde mais, je dois pourtant essayer.

    - Pas la peine de plaidoyer, dis-moi le simplement.

    - Je voudrais tenir ton arc, pour m’assurer de quelque chose. Il pressa son pendentif pour faire ressortir ses ailes et je fis de même.

      - Bien entendu, tu sais bien que tu ne pourras pas t’en servir, il appartient à mon âme.

      - Là, est toute l’importance de ma demande Samuel.

      - J’ai peur de comprendre et je dois dire que c’est l’occasion de savoir.

Notre intuition nous mettait en contact avec la réalité profonde de ce que nous étions. L’arc entre ses mains devint flamboyant. Il me reconnaissait en lui. La même âme ou peut-être plus simplement mon complément d’âme. Nous étions devant l’évidence, mon arc ne faisait pas la différence, comment Claire pouvait sentimentalement nous dissocier.

      - Je pense que nous venons d’avoir la réponse.

 L’un en face de l’autre, l’arc flamboyant nous séparait. Je l’empoignai à mon tour en superposant mes mains sur celles de mon frère. Nous étions le miroir de l’autre, seule la couleur de nos ailes nous différenciait. Une lumière encore plus rayonnante changea la couleur dorée en un flux couleur pierre de lune vaporeux. Cette lumière s’écarta jusqu’à nous englober dans une bulle, pareille à un champ magnétique.

       - Eh bien je suis certain que personne n’avait prévu ça. Et je crois que ce n’est que le début des surprises. Samuel et moi formions une sorte de clé, je n’arrivais pas à le croire.

      - La communion de nos âmes décuplait les effets de l’arc et le modifiait. Entourés de toute cette lumière, nous sentions la puissance et le pouvoir nous envahir de plus en plus.

      - Comment ça fonctionne d’ordinaire ? demanda Samuel, déboussolé.

      - Nous armons et nous nous concentrons sur notre cible. Mais, là il n’y  a pas d’ennemi. Pourtant je sens une force m’habiter et je n’arrive pas à m’en défaire.

      - Satya, on doit aller au bout de l’expérience. Si j’ai compris comment le mécanisme fonctionne, d’après ce que j’ai vu au travers de tes souvenirs, nous allons essayer quelque chose.

      - Ca me paraît trop dangereux ! Je commence à ne plus rien contrôler Samuel.

       - Curieusement, moi je me sens surpuissant et confiant, ce qui est plutôt l’inverse d’ordinaire.

      - Je n’aime pas ça, nous devrions arrêter et voir avec Artus ce qu’il en pense.

      - Aie confiance en moi pour une fois Satya. Qu’est-ce que tu veux le plus au monde, en dehors de Claire cela va de soi ?

      - Je veux retrouver Elisabeth, bien évidemment. Et par conséquent je dois retrouver Moeira ou Soltan ou les deux.

      - Très bien, c’est également ce que je veux le plus. Ferme les yeux et concentre-toi sur Soltan. Il avait pris l’ascendant sur moi et au point où nous en étions, je décidai de le suivre dans son raisonnement.

A ce moment précis, je  sentis un coup de vent balayer mon visage et celui de mon frère. Une flèche s’était miraculeusement placée dans l’archer. Dans notre bulle, tous deux accrochés à l’arc, nous étions en position, prêts à combattre. La pointe touchait la bordure de champ qui nous englobait.

      - Et maintenant, quel est ton plan ?

      - Regarde Satya, j’ai du mal à le croire.

 Au bout de la flèche, des cercles se dessinaient sur la sphère transparente, comme une sorte de cible. Le processus prit quelques secondes mais cela nous parut une éternité tellement nous cherchions une explication logique.

      - Est-ce que c’est une cible ? Trois points rouges, brillants, venaient d’apparaître entre les cercles.  Le viseur se repositionnait  suivant le mouvement des points. La puissance de l’ovale nous obligeait à nous déplacer.

      - Je crois que cela indique une direction ou un lieu précis et que l’arc veut nous y conduire.

       - C’est trop dangereux, nous ne sommes pas assez nombreux, on ne sait pas ce que l’on va trouver là-bas.

       - Et bien Satya, c’est toi qui es dans la peau du peureux ? Je suis sûr de moi, suivons la  direction de la flèche et nous verrons bien. Tu veux retrouver Elisabeth oui ou non ? Imagine, si plus tard tu te rends compte que c’était le jour où ils avaient décidé d’en faire leur repas !

      - Comment oses-tu avancer de tels arguments ? Sa phrase m’avait mis dans un état second.

      - Tu ne m’en laisses pas le choix, désolé. Nous allons ouvrir cette porte, sortir de cette baraque et suivre la direction de l’arc ; ensuite nous aviserons.  Je me félicitai d’avoir laissé un message à Artus car dorénavant je savais que je ne reviendrais pas à temps pour le retirer. Nous allions au devant des problèmes. J’étais à la fois curieux et inquiet de ce qu’allait donner notre expédition. Pour autant, je me rassurais sur le pourquoi du comment des choses. Ca ne pouvait pas être le fruit du simple hasard. Pour la première fois, je découvrais mon jumeau sous un aspect méconnu. Il devenait moi et je devenais lui, c’est comme si j’étais passé de l’autre côté du miroir et j’avais confiance.

 

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12 août 2012

Le grand jour.

Le jour de la cérémonie était arrivé très vite. A mon retour à la maison, celle-ci avait quelque peu subi des transformations. Les pièces dénuées de meubles étaient maintenant chargées et les placards remplis d’objets divers, utiles à la vie de tous les jours pour un humain. Une partie du salon était transformée en bibliothèque, deux pans de mur étaient remplis d’ouvrages variés sur l’histoire, contes, légendes, romans et même des livres de recettes. La partie cuisine n’était pas en reste : une batterie de casseroles avait été accrochée au mur comme chez mon ancienne cuisinière, des plats de différentes tailles, couverts, assiettes remplissaient les étagères.

Ma plus grosse surprise fut de trouver mon Elisabeth devant une assiette fumante. Devant elle une grosse coupe à fruits avait été garnie d’un grand choix de fruits.

    - Bonjour Melle Moeira. Je trouvai le nouvel ami de Soltan déguisé en cuisinier pour l’occasion, servant différentes nourritures sur la table devant ma fille.

    - Bonjour Vincent, où est mon futur époux ? Je regardai de droite à gauche, la maison était pleine d’objets nouveaux.

    -  Oh! Ne craignez rien il fait des vas et viens, il ne devrait plus tarder maintenant. Il tenait à ce qu’à votre retour vous soyez surprise.

   - Je le suis, vous trouver là seul avec ma fille en est une grande. Je fronçai les sourcils et me rapprochai d’Elisabeth à toute vitesse pour m’assurer qu’elle allait parfaitement bien. Elle me serra fort dans ses bras et continua de manger son repas.

  - Je me suis dit que Melle Elisabeth aurait sûrement faim à son réveil comme elle n’avait pas déjeuné la veille. J’ai donc pris la liberté de préparer quelques plats, ne sachant pas ce qu’elle préférait.  J’étais surprise par cette gentille attention mais aussi par le côté soigné de son éloquence. Passés le premier a priori de son odeur nauséabonde lors de notre premier contact, je m’aperçus qu’effectivement il semblait différent. Son langage était soutenu et il mesurait toujours le poids de ses mots.

  - Je suis contente que tu sois rentrée. Ne sois pas méchante avec Vincent, il a été très sympathique avec moi et il fait une excellente cuisine.

Puis-je vous proposer de goûter  un des mes toasts ? Il me présenta une corbeille remplie de petites tranches de pain qui sentaient le feu de bois. Je me demandai s’il se moquait de moi exprès ou s’il était idiot. Devant mon étonnement, il en prit un et le mangea comme si c’était naturel.

- Pourquoi vous infliger une chose aussi ridicule. J’étais au bord du dégoût.

- Il est vrai que ce n’est sûrement pas aussi savoureux que le liquide sirupeux que vous affectionnez ;  toutefois croyez-moi ce n’est pas si terrible. Ca me rappelle ma tendre enfance.

- Vous trouvez que cela a le goût de quelque chose ?

- Et bien, le souvenir est ancré en moi, il me suffit juste de me le remémorer.

- Je dois bien avouer que je n’ai jamais tenté l’expérience. Elisabeth trouvait cela très drôle. Elle me postait ses commentaires en pensée. J’aurais aimé qu’elle donne son avis à haute voix mais  peut-être était-elle trop timide devant Vincent.

- Par ailleurs, cela peut être très utile pour donner le change aux humains lorsque l’on veut se fondre dans la masse. Veuillez m’excuser, il est évident que vous savez ces choses là vu que vous vivez pratiquement parmi eux. Je trouve cela d’ailleurs extraordinaire. N’êtes-vous pas pour autant trop souvent tenté par toutes ces odeurs qui circulent toute la journée à quelques lieux de votre porte.

- Je suis très occupé et je m’efforce de contrôler ma soif. J’étais satisfaite qu’il pèse ses mots. J’imaginais la tête de ma fille s’il m’avait demandé clairement : Comment faites-vous pour ne pas vous jeter en permanence sur les passants de la ville et boire leur sang jusqu’à la dernière goutte.-  Contrôler votre soif ? C’est mon adage Melle Moeira. J’en fais ma ligne de vie sauf que, comme votre futur époux a dû vous le dire, mon régime est plus restreint.

-  Il m’est arrivé très souvent d’en faire de même dans notre ancienne maison de la forêt. Ma fille était si petite que je ne voulais pas m’éloigner d’elle pour chasser.

- Bien, pourquoi ne pas s’en tenir à cela pour cette fois ? Maintenant que vous êtes rentrée, je vais vous laisser vous préparer. J’ai moi-même ma petite touche personnelle à ajouter pour les préparatifs. J’espère que cela sera à votre goût ! Il ne prit pas la peine d’attendre une réponse de ma part, en une fraction de seconde son tablier se balançait sur le dossier de la chaise et il avait disparu.

- Il est très divertissant je trouve, pas toi Moeira ?

- Il est parti, tu n’es pas obligée de me parler en secret. J’entrepris de parcourir le reste de la maison et de découvrir tous les merveilleux trésors que Soltan m’avait ramenés. J’arrangeai certains détails et emplacements pour plus de fonctionnalité. Dans un coin de ma chambre trônaient toutes les affaires encore emballées que j’avais confectionnées la nuit même. Je m’apprêtais à déballer toute la nouvelle garde robe que j’avais fabriquée pour moi et Elisabeth qui avait bien grandi, lorsque mon futur époux décida de revenir.

  - Alors, personne pour m’accueillir ? Où se cachent ma femme chérie et ma délicieuse enfant ? En quelques secondes je me retrouvai dans ses bras, faisant tomber au passage les paquets qu’il portait.

 -  Bonjour mon cœur, qu’est ce que c’est que toutes ces petites folies. La maison est méconnaissable.

  - Je veux ce qu’il y a de mieux pour vous, j’ai pensé qu’il était grand temps pour toi d’avoir tout ce que tu mérites. Je le serrais fort dans mes bras. Le rubis toujours vif de ses yeux me rassurait, malgré les nombreuses allées et venues et la force qu’il avait dû dépenser, il avait pris soin de se nourrir plus que correctement.

  - Merci, je suis comblée, lui chuchotai-je à l’oreille.

  - Attention ! Moeira tu marches sur mes derniers présents. Je n’avais pas prêté attention à la lingerie fine qui recouvrait le sol.

  - Mais tu es fou, où as-tu déniché de pareilles merveilles.

  - C’est mon secret, si je te le dis il faudra que je te tue. Il m’embrassa sauvagement.

  - J’ai pensé qu’avec vos nouvelles toilettes, il vous faudrait aussi de beaux sous-vêtements et la petite a tellement grandi.

  - Ce n’est pas plutôt en vue de la nuit de noces, petit chenapan.

  - On ne peut rien te cacher ma belle rousse. Où est Vincent, où est Eli ?

- Eli c’est un peu singulier comme surnom je trouve, elle doit être dans sa chambre. Vincent lui a rempli l’estomac de bon matin, elle a dû retourner s’allonger un peu. Quant à ton jeune ami qui, je dois bien l’admettre, est vraiment surprenant, il est parti pour de soi-disant préparatifs, je n’ai pas bien compris.

  - Il est hors du commun, tu ne trouves pas ?

  - Oh que si ! Il m’a proposé un morceau de pain, tu te rends compte ! Quelle idée saugrenue.

  - Je sais, il est parfois un peu excentrique mais je suis certain que tu l’apprécies rien que pour sa différence. Admets-le !

  - Il dégage quelque chose de particulier et je dois bien admettre qu’Elisabeth a l’air de l’apprécier. Toi, il t’a littéralement séduit, alors je pense que je dois me ranger à votre opinion. Il me souleva du sol et me fit tournoyer.

  - Ah je le savais ! Je suis tellement heureux. Le mot était lâché. Il n’avait jamais prononcé ce mot depuis que nous étions vampires. D’ailleurs, je pense ne jamais l’avoir entendu de sa bouche même auparavant.

  - Soltan tout est si parfait, j’ai peur que le temps tourne à l’orage.

  - Ne sois pas stupide mon cœur, profitons de ces moments et ne pensons pas à demain.

  - Tu as raison, il me reste encore peu de temps pour m’apprêter.  Je dois faire des essayages, pour parfaire notre toilette de ce soir. Il me serra fort dans ses bras, m’embrassa dans le cou et dit :

  - Tu es la plus belle du monde avec ou sans robe, bien que je te préfère sans robe.

  - Tu n’es qu’un petit pervers Soltan. Je lui décochai un coup de coude qu’il sentit à peine tellement il était ivre de sang frais.

  - On se retrouve devant l’ancienne maison au coucher du soleil. Je serai l’homme en noir près de l’hôtel.

 - Je serai la femme en blanc à tes côtés. Il m’embrassa de nouveau et quitta la maison.

Il me restait quelques heures devant moi pour me préparer. J’étais impatiente, anxieuse et excitée à l’idée de devenir officiellement Mme Soltan.

 

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12 août 2012

Triangle Amoureux.

Nous étions seuls face à la nuit étoilée, allongés dans un gros nuage duveteux. C’était très agréable de se retrouver ensemble.

     -Tu ne comptes pas retourner au bal, n’est-ce pas ?

     - Non, je pense rester ici à m’enivrer avec mon frère jusqu’au petit jour, sauf si tu es attendu.

     - Claire a regagné ses appartements à la fin de ta danse endiablée. Tu sais, elle ne désirait pas s’y rendre du tout.

     - Qu’est ce qui l’a fait changer d’avis ?

     - Toi sans doute. Il me tendit la bouteille et nous trinquâmes. A la nôtre !

     - Samuel, es-tu heureux ?

     - J’ai perdu ce plaisir depuis que nos chemins se sont séparés.

     - C’est pareil, pour moi.

Tout deux étendus l’un à côté de l’autre, les yeux rivés sur le ciel, nous parlions à cœur ouvert comme autrefois.

    - Ce qu’il faut que tu comprennes, c’est que choisir ne peut pas s’appliquer à l’un ou à l’autre. Elle nous a choisis ensemble et si nous n’arrivons pas à former un couple tour à tour, nous allons la perdre.

   - La perdre ?

   - Oui, elle n’arrive plus à faire semblant et nous en avons longuement discuté. Elle t’aime, elle m’aime, je l’aime, tu l’aimes. Ce n’est pas plus compliqué que cela, difficile à gérer peut-être car c’est peu conventionnel. Mais personne d’autre que nous pourrait en être capable. Je ne peux pas vivre sans toi Satya, tu fais partie de moi, notre complicité perdue m’affaiblit personnellement et je suis certain qu’il en est de même pour toi. Nous devons unir notre amour et accepter d’aimer et d’être aimés de la même femme en retour.

J’écoutais tout ce qu’il me racontait et il avait raison sur toute la ligne. Soit nous trouvions une conciliation, soit cet amour allait tous nous détruire.

    - C’est Claire qui t’a dit cela ?

    - Nous en sommes tous deux arrivés à cette conclusion. Avec tout ce qui s’est déjà passé, je n’ai jamais réussi à t’en vouloir, ce qui est  inscrit dans ta chair est inscrit dans la mienne. Notre cœur et notre âme sont le reflet l’un de l’autre.

    - Tu deviens poète mon Samuel !

    - Je préfère cela à la folie. L’hydromel m’aide un peu, je dois bien l’avouer.

    - Avons-nous le droit de ne penser qu’à nous, tellement de vies sont en jeu ici et sur terre.

    - Tu as certainement raison. Je ne vois mes petits problèmes que devant ma porte, je n’ai pas la chance comme toi d’être dans l’action ; comme je t’envie. Tellement de fois j’aimerais être à ta place.

    - Je ne sais pas ce que tu imagines mais, c’est loin d’être très palpitant.

    - Peut-être pour toi, moi je m’ennuie. Je n’arrive plus à retrouver l’entrain que j’avais avant lorsque nous étions une équipe.

   - C’est très dangereux Samuel, je préfère te savoir en sécurité.

   - Raconte-moi ! Nous arrivions tous deux à la fin de nos bouteilles et nous étions enivrés, sous un ciel étoilé.

   - Il faudrait que tu vois par toi-même. Des mots ne suffiraient pas.

   - Tu peux faire ça ! Emmène-moi juste une fois.  

   - J’aimerais avoir le droit de le faire mais je devrais enfreindre un bon nombre de règles.

 - Pourquoi pas demain, personne d’autre ne sera sur terre, nous serions tranquilles et qui sait, je pourrai peut-être t’aider. J’envisageai cette possibilité, il n’y aurait pas de meilleur jour. Une journée seule avec mon frère, après tout le risque était minime. Le ciel aurait les yeux rivés sur les festivités encore deux jours, personne ne s’inquiéterait de ne pas nous voir.

- S’il te plait ! Je ne sais pas si c’était ses yeux suppliants, l’envie de lui faire plaisir, de désobéir, ce qui devenait chez moi une habitude ou l’hydromel, certainement un mélange de tout, mais j’accédai à sa requête.

- Ok rendez-vous dans ma chambre dés le début des cérémonies des mariages. Prends ton collier et des affaires de rechange.

- Oh mon dieu, merci, merci.

   - Tu ne devras jamais en parler à personne, il en va de ma vie. Je vais devoir transgresser de nombreuses règles et promesses pour satisfaire ta curiosité.

   - Que je meurs à l’instant si je mens, je te donne ma parole de frère.

 La tête pleine de rêves, le cœur gonflé à bloc, je savais au fond de moi que les risques pouvaient être grands et que si je faisais encore le mauvais choix j’aggraverais mon cas déjà incertain. Je priai en secret pour que notre petite escapade se passe sans accroc. Tous les espoirs étaient permis. Nous sommes restés là, jusqu’au lever du jour. C’était le jour des cérémonies de mariage. Un jour où mes choix ont fait encore une fois tout basculer.

 

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12 août 2012

Le bal du changement.

Je constatais non sans crainte la vision du changement de Kara dans les habits d’apparat qu’elle avait fait confectionner sur terre.  Ni ma blouse à jabot de coton, ni la veste de costume que je devais porter par-dessus, ne présentait pas d’ouverture pour le passage des ailes.  Je n’étais pas certain que la haute autorité apprécie la permutation ange-humain. Pourtant, je décidai de prendre le risque de me présenter tel un simple mortel. Je pressai le bijou et fit disparaître mon plumage. Le costume était à la hauteur des exigences de Kara, un peu trop voyant pour moi, mais je n’avais pas le temps de faire le difficile, l’heure de l’ouverture du bal avait sonné. Le moment était venu de me présenter sur le seuil des portes du palais. Il était fort aisé de se déplacer sans ses ailes, mais les quelques anges que je croisai en chemin ne semblaient pas de cet avis. J’entendais les reproches, les inquiétudes et les moqueries de leurs discussions. Je pris mon courage à deux mains et espérai de tout cœur que ma farceuse ne m’ait pas laissé seul dans cette galère.

A mon arrivée dans la salle du banquet, le ton était donné. Des milliers de paires d’ailes étaient réunis. Tous les anges étaient en représentation. Certaines avaient choisi de porter des robes plus courtes, d’autres de mettre des plumes dans leurs cheveux, de porter des chapeaux ou encore de ne rien changer. Les hommes était restés beaucoup plus classiques, jouant plus sur les différentes teintes de couleur, et portant ou non un nœud de cravate, un nœud papillon ou rien.

Cela ressemblait plus au grand bal du n’importe quoi et dès les premiers regards, je sentis que j’allais en être le roi. Je pénétrai dans la salle en me faisant le plus discret possible, chose inutile pour un ange qui se promène sans ailes au royaume des cieux. La grande salle était magnifique, elle avait été découpée en quatre parties qui représentaient les quatre saisons. Des couleurs chatoyantes pour la partie automne, les murs était couverts de mille feuilles tombantes, le buffet à cet endroit était animé par une fontaine d’un liquide or sirupeux où les anges plongeaient leur coupe à volonté. Des petites tables sculptées dans le bois  étaient assorties à de gros champignons en guise de chaises. L’ensemble était planté là comme sorti tout droit de la forêt pour accueillir les invités. En face, je devinais l’hiver tout de blanc vêtu recouvert de feuilles de houx avec de petits grelots rouge vif. Du plafond descendaient de faux stalagtiques en forme de sucre d’orge ; là aussi près d’un grand sapin décoré pour rappeler les fêtes de noël, une fontaine en forme de bonhomme de neige laissait échapper des petits nuages où les anges plantaient leurs petits bâtons en guise de barbe à papa, une petite gourmandise rafraîchissante que les anges s’octroient les jours de fêtes.

De l’autre coté, le printemps ; des milliers de fleurs odorantes, tel un jardin suspendu, décoraient cette partie qui avait été dédiée à toute la haute hiérarchie. J’aperçus Clotaire en pleine conversation avec de hauts dignitaires du ciel. Ne sachant pas encore comment mon changement à moi allait être perçu, je m’engouffrai sous une arche qui annonçait l’été. Cette partie de la pièce était coupée des autres par des haies d’arbustes bien taillés. C’était la partie dédiée à la danse, la salle des jeunes en quelque sorte. Tout autour de la piste, de petites alcôves romantiques et discrètes avaient été aménagées pour favoriser les premiers émois amoureux. L’heure était à la valse lorsque je pénétrai en été. Je reconnus les visages familiers de mes compagnons dans un coin et le visage souriant de mon frère m’accueillant me rassura.

       - Enfin, te voilà Satya je commençais à me demander si tu allais venir ! Il faisait le tour de moi cherchant une explication.

       - Une conception de Kara, son interprétation du changement, je suppose.

       - Quelle drôle d’idée, je doute que cela convienne à tout le monde.

       - Je suis d’accord avec toi et j’espère seulement qu’elle ne m’ait pas laissé seul dans son projet fantasque.

       - Je crois que tu vas avoir ta réponse. Regarde derrière toi.

Kara venait d’apparaître, telle une reine des fées, accompagnée de nos deux camarades, Emeric et Sacha. Tous trois étaient sans ailes. Je me sentis tout d’un coup moins seul et juste avec un regard nous retrouvâmes notre petite communauté secrète.

    - Je suis bien content de voir qu’elle t’a aussi fait le coup, scanda Emeric en me tapant dans le dos.

    - Je le suis tout autant que toi. Mon regard était absorbé par la beauté de Kara. Sa robe était sans chichis, comme je l’aurais cru. Elle ressemblait plus à une déesse grecque un peu comme ma mère, qu’à une châtelaine cachée sous des jupons. Ses formes avantageuses mettaient parfaitement en valeur les lignes fluides du tissu qui semblaient caresser son corps à chaque mouvement. Sa chevelure couleur châtaigne était prise dans deux gros peignes  dorés, de chaque coté de sa tête. Le décolleté plongeant était rehaussé de son collier d’ange qui avait trouvé une place confortable entre la naissance de sa poitrine. De magnifiques pierres en forme de gouttes d’eau pendaient au lobe de ses oreilles. Elle aurait pu être la reine de l’automne. Les reflets dorés des coutures de sa robe scintillaient sous les jeux de lumière. Plus près de moi à présent, je me rendais compte qu’elle nous avait assortis.

L’arrivée d’Artus me sortit de ma torpeur.

   - Bien joué, je vois que les sœurs ont su imposer leur style. Il était accompagné de son équipe, Melia, Logan et Martin, tous habillés dans un genre différent mais, tous sans ailes.

   - Oui le changement. Je t’avoue que j’ai eu un doute avant de m’aventurer seul ici, mais nous voir tous ainsi me rend très fier d’avoir osé.

   - Ah ! Satya nous sommes différents, c’est le changement. Les jumelles ont eu une excellente idée et j’adore ça. Voir tous ces regards suspicieux valorise ce pourquoi nous nous battons. Je vous demande à tous, ce soir de vous amuser, de prendre du bon temps et de laisser quelques heures la raison. Soyez fous, amusez-vous, profitez de cette pause qui vous est offerte pour penser à vous, enivrez-vous du nectar que le ciel met à votre disposition, soyez ivres de passion. Il tendit la main à Mélia, la fit tourner sur elle-même et l’invita à danser.

 Mon frère pourtant si timide, se présenta devant Kara ;  il lui fit la révérence suivie d’un baise main et d’un compliment.

      - Vous êtes d’une magnifique beauté Melle Kara, accepteriez-vous de m’accorder cette danse ? Bien trop flattée pour refuser, Kara s’empressa d’accepter.

     - Avec le plus grand plaisir. Elle se tourna vers moi et de son doigt me sermonna. Je t’interdis de t’éloigner,  la prochaine valse est pour toi.

Déjà étourdi par la foule, je n’avais qu’une envie de calme. C’est au moment où Kara quitta mon champ de vision, que je vis l’apparition la plus parfaite prendre forme sous mes yeux.

     - Tu as cinq minutes, je ne pourrai pas la retenir très longtemps. C’était la voix de mon frère ; cela me fit sourire et l’ange qui venait d’apparaître le prit pour elle et me le rendit. Elle semblait tout droit sortie d’un rêve.

Elle était la grâce  incarnée,  ses contours étaient délicats. Elle n’avait pas besoin qu’une tenue la mette en valeur, elle était la valeur. Sa seule présence illuminait la pièce comme une étoile dans le noir. Le diadème au sommet de son front prenait un sens particulier pour moi, elle était mon tout, le centre de mon univers. Son odeur de jasmin vint immédiatement  réduire mon cœur à néant comme une drogue qui serait sevrée à jamais ; ce parfum envoûtant venait de nouveau  tourmenter mon âme. J’étais prisonnier d’un amour inconditionnel, j’étais condamné, impuissant et  à cet instant je me fis le serment de vivre et de mourir pour elle.

Chacun de ses pas durait une éternité ; j’aurais voulu courir vers elle. Mon corps restait immobile ; impossible de bouger. Je la redécouvrais comme pour la première fois et je retombais en amour. Le sentiment qui m’animait était fort, puissant, indomptable et unique ; rien ni personne ne pourrait me procurer cela. Je m’étais voilé la face en pensant pouvoir l’oublier. La revoir ce soir était pire et comme une empreinte indélébile, elle venait de me marquer au fer rouge en déposant un tendre baiser sur ma joue. Elle avait penché sa tête à mon oreille.

      - Je suis si heureuse de te revoir, me dit-elle d’une voix secrète. Aucun mot ne sortait de ma bouche. Je n’étais pas préparé à l’effet qu’elle pouvait produire sur moi. Je me nourrissais de la douceur de son regard, j’aurais pu mourir à ses pieds sans m’en rendre compte. Je n’entendais plus la musique, son visage prenait toute la place de mon univers. Dans ses yeux clairs mélancoliques j’étais au paradis. Je voulais qu’elle me chuchote encore et encore à l’oreille, qu’elle  m’enivre de la douce chaleur de son souffle chaud. Je la dévisageais tel un aveugle qui voit pour la première fois, seule une larme trouva le coin de mes yeux, une première pour moi, je m’humanisais de plus en plus. Elle était mon talon d’Achille, ma plus grande force et ma perte à la fois. Du bout de ses doigts, elle sécha discrètement mon regard larmoyant et murmura :

     - Je sais, c’est pour tout cela qu’il faut que l’on se rencontre ; toutefois pas ici.

Le charivari derrière moi me fit reprendre conscience du lieu dans lequel je me trouvais. La valse venait de laisser place au tango et Kara venait requérir sa danse. Sans un regard, de peur de me consumer sur place, j’attrapai un peu trop fermement ma cavalière et telle une tempête en pleine mer, le cœur battant, je menai la danse. Je tenais fortement Kara ; mes pas étaient secs, mes gestes précis. Je me battais contre moi-même, ma cavalière y voyait un conquérant, un homme de poigne et me découvrait sous un autre jour qui semblait ne pas lui déplaire. Je ne la voyais même pas ; chaque tour sur moi-même je dévisageais dans la pénombre tour à tour mon frère puis Claire. J’étais furieux. Mon tempérament de feu fit de moi un danseur hors pair et tout le monde applaudit. Kara se tenait droite comme un i à mes côtés, laissant penser à l’assemblée que nous étions un vrai couple. Heureusement, Artus me demanda de lui laisser ma place pour la prochaine danse, ce que j’acceptai avec un grand soulagement.

      - Mon cher frère, je crois que tu as besoin d’une coupe.

      - Bien volontiers, peut-être même plusieurs. Mais changeons de saison si tu veux bien, j’aspire à un peu plus de calme.

      - Comme il te plaira. Kara est une excellente danseuse, vous nous avez fait un vrai show  tous les deux.

      - Tu veux vraiment parler d’elle ?

C’est au croisement des quatre saisons que nous sommes tombés sur Gabrielle qui, à mon avis, n’attendait qu’une occasion pour venir nous parler.

     - Comment vont mes fils adorés ? Est-ce que la fête est à la hauteur de vos espérances ? Je vous ai tellement de fois entendu parler de cette soirée que j’imagine à quel point vous devez être contents.

Toute cette sympathie et cette attention portées, c’était bien notre mère. Cela faisait bizarre de la voir ainsi, nous étions depuis pas mal de temps habitués à la droiture et aux conseils aguerris de Gabrielle. Mais l’une n’était jamais loin de l’autre.

      - Samuel, ton père voudrait te parler d’une chose, un projet commun ; il n’a pas voulu m’en dire davantage, tu devrais le retrouver, il est avec Clotaire au Printemps.

      - C’est-à-dire que nous allions boire une coupe avec Satya ; voilà des mois que nous attendons ce moment et… Elle coupa court aux arguments de mon frère.

      - Il en est de même pour chacun de nous, mon chéri et tu ne peux pas faire attendre ton père, tu le sais bien. Je tiendrai compagnie à Satya le temps que tu reviennes. Samuel haussa les épaules et s’éloigna tout penaud.

     - Je sens la manigance, ne t’éloigne pas trop avec elle, je reviens vite à ton secours.

     - Merci, un projet avec ton papa comme c’est touchant.

    - Tu rêves, il n’y a pas de projet, juste un détournement de la part de notre mère, tu paries ?

    - Ok ! On parie quoi ?

Gabrielle saluait les invités, qui passaient devant nous, adressant toujours un mot charmant à chacun d’eux.

    - Si je gagne, tu parleras avec Claire comme je te l’ai demandé.

    - Et si je gagne ?

   - Impossible, crois- moi, cela fait trop longtemps que tu es sur terre, tu te ramollis, Satya. Sentir mon frère toujours à mes côtés, était un atout pour moi. Il était le seul en qui je pouvais vraiment avoir confiance.

     - Que dirais-tu d’une barbe à papa en hiver ?

     - Je crois que même si je refusais, cela ne changerait rien ; alors gagnons du temps Gabrielle et allons droit au but.

     - Bien, mon petit garçon est devenu un homme. J’ai tendance à l’oublier, le temps passe si vite. Pourtant, c’est en tant que mère que je viens te parler.

     - C’est un jour de fête, nous ne sommes pas censés  parler des affaires en cours.

     - Ne sois pas sur la défensive, je viens te parler d’amour et de paix, pas de guerre. Je t’ai vu dans la salle d’été, belle démonstration de danse. Tu tiens sûrement cela de ton père, il a toujours été bon danseur. J’ai aussi vu ce qui s’est passé avec le Tango.

     - Je ne vois pas de quoi vous voulez parler.

     - Tu le sais parfaitement, comme les saisons, ça revient en boucle.

    - Alors vous devriez vous faire une raison, j’essaie tous les jours pour ma part.

    - Erreur, tu essayais. Ce soir quelque chose a changé et je l’ai vu, tu es mon fils et je te connais mieux que personne. Je viens te prévenir, ta destinée est toute autre. Tu dois peut-être souffrir et te taire, savoir t’éloigner d’elle. Je préfère te savoir torturé, que bourreau de ton propre frère et de ton peuple.

    - Avez-vous parlé avec Samuel ?

    - Ce n’est pas la peine, je lis en lui encore plus facilement qu’en toi, il a toujours été le plus faible de vous deux.

    - Pourquoi vous attachez-vous tellement à m’éloigner de Claire ? Pourquoi est-ce si important ?

    - Car elle te suffit Satya, tout simplement ; et ce soir tu en as pris conscience. Je suis désolée mais, le ciel ne peut le permettre. Nous avons trop besoin de toi.

Sur cette dernière, elle prit congé. Samuel  me fit signe de le rejoindre.

   - Allez, viens on sort de cette fête, qui devient cauchemardesque.

-        Enfin une parole sage et une proposition que je ne peux qu’accepter.

   -  J’ai fait des réserves ;, sous sa veste deux bouteilles remplies d’hydromel étaient cachées.

    - Espèce de petit voleur, je te suis, où allons-nous ?

    - Je te propose la piste aux étoiles, la nuit est magnifique et nous ne serons pas dérangés. C’était aussi le lieu où nous aimions nous retrouver enfants, pleins de rêve dans la tête ; nous affectionnions ce lieu tranquille qui surplombait le dôme du jardin. Ce secteur s’appelait plus communément la piste d’envol, c’est là que Claire et tant d’autres avaient appris à voler.

 

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12 août 2012

Chapitre XIII- Préparatifs.

C’était notre première sortie en famille et j’étais très excité et heureux que Moeira ait accepté ma demande en mariage même si je n’étais pas inquiet de sa réponse. La petite Elisabeth se déplaçait à vive allure et il fallait fréquemment lui demander de ne pas se précipiter.

     - Alors, par quoi voulez-vous commencer les filles ? Nous étions seuls au cœur de la ville,  avec la lune et quelques chats errants pour témoigner des méfaits que nous allions commettre.

    - Je propose le tailleur, c’est évident. Ensuite nous irons chez le cordonnier.

    - Moi, je voudrais aller à la boulangerie ! Réclama Elisabeth.

    - Très bien, comme vous le souhaitez, la nuit vous appartient. Nous nous présentâmes chez le tailleur. En un tour de main j’avais ouvert la porte, scrupuleusement inspecté la boutique : pas âme qui vive. J’étais un peu déçu toutefois, pour un premier arrêt c’était peut être mieux ainsi. Moeira se précipita sur les commandes en cours à la recherche d’une robe qui pourrait lui convenir.

    - Elisabeth, ramène-moi les plus beaux tissus que tu trouveras dans la remise. Je suivis l’enfant qui, amusée, sautait d’un pied sur l’autre.

   - Alors Eli, choisis ce que tu veux. Je lui présentai le choix qui s’offrait à elle.

   - Celui-là, le prune là-haut et la dentelle, je voudrais le doré aussi et les perles.

Elle  énumérait du bout de son doigt, chacun des tissus. Il aurait fallu tous les prendre si je n’avais pas mis de limite.

    - Tu es bien mignonne, malgré cela nous n’avons pas toute la nuit. Sa moue boudeuse fit de nouveau apparition sur son visage angélique. Je n’avais pas le cœur à la contrarier, je pris tout ce que je pus porter et après de nombreux va-et-vient, je déposai l’ensemble sur un établi près de plusieurs petites machines à coudre.

 

 

    - Parfait ! Soltan, pourrais-tu aller chercher de quoi manger pour notre délicate enfant chez le boulanger. Je vais en avoir pour une partie de la nuit pour confectionner ce qu’il nous faut. Occupe toi aussi de ta bague. Merci mon amour.

       - Très bien, néanmoins je ne vais pas y arriver tout seul, j’ai besoin de renfort. Tu ne vois aucun inconvénient à ce que je demande à Vincent un peu d’aide ?

      - Pourquoi me demander la permission alors qu’il est déjà là, à t’attendre près du port, depuis un bon moment.

      - Comment le sais-tu ? J’étais étonné de sa perspicacité.

      - J’ai senti son haleine de putois à des kilomètres, J’espère qu’il se sera lavé pour demain. Le sang des animaux n’est pas une fragrance très attirante.

      - Au moins tu es rassurée, je ne t’ai pas menti, il ne consomme que cela.

      - Ce n’est pas pour autant qu’il doit se transformer en porc. Allez ! Hop ! Plus de temps à perdre. Notre petite discussion semblait beaucoup divertir Elisabeth qui, assise au bout de la pièce, esquissait un sourire discret à chaque réponse de Moeira. Je décidai de laisser les filles à leurs occupations et de rejoindre mon ami. Mais avant de partir j’empruntai sur un présentoir, un pantalon et une veste d’homme.

Je courus à vive allure vers l’odeur nauséabonde de mon ami, qui se trouvait assis sur le quai, les jambes au-dessus de l’eau. C’était parfait, il était prêt pour prendre son bain. Je redoublai ma course et le bouscula à l’eau.

Un grand plouf et Vincent plongea dans l’eau. Après quelques minutes rien ni personne ne remonta à la surface.

Je pestai, cet imbécile ne savait sans doute pas nager. Je jetai les vêtements pris au magasin sur le bas coté, prêt à me lancer dans les eaux. Quand il réapparut comme par magie.

    - Tu as bien failli m’avoir, qu’est ce que tu fabriquais là-dessous.

    - Heureux de vous retrouver. Pris par surprise, j’ai d’abord paniqué et ensuite j’ai vu que j’arrivais à respirer sous l’eau, j’ai donc profité du calme de la mer. C’est une merveilleuse expérience, je vous la conseille.

    - Toi et tes expériences, sors de là ! Je t’ai apporté de quoi te changer, tu sens le sanglier à plein museau.

    - Vous avez beaucoup d’humour mais je l’avais déjà remarqué.

Vincent sortit très vite et se changea immédiatement.

  - Merci pour les habits. Alors quel est le programme ?

  - Moeira est en pleine création et m’envoie faire les courses.

  - Si vous me le permettez, vous avez une bien belle compagne et qui est l’autre personne, je n’ai pas très bien su l’identifier.

  - C’est ma fille, mais gardons cette discussion pour plus tard, je dois trouver une alliance pour moi et passer chez le boulanger qui doit déjà être debout, il va falloir l’hypnotiser. J’aimerais aussi trouver des livres pour la petite.

  - La bague, je peux vous proposer la mienne. Je la tiens de mon père, qui la tenait de son père, j’y suis très attaché mais pour vous je ferai une exception. J’étais très touché par cette attention et j’acceptai pour gagner du temps. Par chance, elle m’allait parfaitement. C’était une chevalière avec un sigle et une tête de lion. Je me promis de trouver autre chose plus tard et de lui rendre son héritage.

   - Disons que je te l’emprunte juste un temps merci bien.

   - Une petite question, la boulangerie c’est pourquoi ?

   - Oh ! Laisse tomber c’est trop long à expliquer. Il faut nous y rendre un point c’est tout.

   - Pardon, je vous suis.

L’arrêt  chez le boulanger fut tellement rapide que je ne pris même pas la peine de l’hypnotiser. Le pauvre malheureux dormait devant son fourneau. Je décidai de faire un cours accéléré sur le vol sans effraction à mon apprenti, qui était ravi, même s’il se sentait mal à l’aise de prendre des choses qui ne lui appartenaient pas.  Une bonne partie de la nuit nous fîmes des aller- retour entre notre nouvelle maison et le centre de la ville pour y déposer nos butins.

Un peu avant le lever du soleil, nous retrouvâmes ma couturière sous un monceau de tissus.

   - Alors, mon cœur, as-tu fini ?

   - Et toi, n’aurais-tu pas oublié de déposer le déjeuner de ta fille ? Elle est encore tombée inanimée, ça devient une habitude et je n’aime pas ça.

J’avais bien pris la peine de faire les commissions mais avec tous ces déplacements, j’avais laissé le repas à notre demeure. J’étais gêné de me faire sermonner par ma douce devant mon ami, qui se tenait en retrait.

   - Je te prie de m’excuser, c’est à la maison sur la colline.

   - C’est vrai que là, ça va lui remplir le ventre. Enfin, j’ai fini. Vincent, comme mon impoli de futur époux ne nous présente pas, je vous salue. Moeira ! Et voici notre fille Elisabeth. Je vois que vous avez fait un peu de propre sur vous, c’est bien plus agréable.

  - Enchanté, Melle je suis Vincent, votre humble serviteur.

  - Si tu m’en avais laissé le temps au lieu de me faire des remontrances, petite diablesse, je te l’aurais présenté.

  - Et bien c’est fait, j’ai préparé quelques paquets si ton serviteur veut bien s’en charger, je voudrais que tu ramènes cela à la maison ainsi qu’Elisabeth. Si je ne me nourris pas au plus vite je vais devenir folle. De plus, je dois encore passer chez le bottier.

  - Je comprends mieux ta mauvaise humeur. Je ferai tout ce que tu veux mais pas avant que tu ne m’aies embrassé. Je déposai mes lèvres sur les siennes, ses crocs acerbes étaient sortis, cela égratigna les miennes.

  - Pardonne- moi mon cœur mais je t’avais prévenu.

  - Si tu veux, le boulanger dort devant son fourneau, tu n’auras qu’à te baisser pour le consommer.

 - Va pour un boulanger ! J’ai écumé tous les rats de cette boutique.

Moeira se leva, de sa robe glissa une vingtaine de petits rats vidés à sec.

 - Très élégant comme sortie, mon cœur.

 - Le propriétaire devrait plutôt me remercier. Elle colla sa joue sur la mienne et murmura :

   - A tout de suite, je n’en ai pas pour longtemps. Dans un bruit sourd, elle disparut dans la nuit qui prenait fin.

   - Voilà, Vincent, tu viens de rencontrer mon poison, la femme pour qui je me damnerais. D’ailleurs, soit dit en passant, c’est déjà fait.

  - Je pense que vous faites un merveilleux couple et que personne ne pourrait mieux vous convenir que Melle Moeira.

  - C’est bien vrai Vincent, tu as bien jugé.

Je saisis Elisabeth sur mon épaule et nous chargeâmes nos bras des nombreux paquets. Moeira avait dû créer une collection printemps-été vu le nombre de colis que nous avions à rapporter.

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30 mai 2012

La déclaration.

Toute la sainte journée, j’avais tourné en rond dans la maison, faisant les cent pas. Soltan devait bientôt nous rejoindre. Je n’attendais qu’une chose : que la nuit tombe pour aller faire mes courses chez l’habitant et me refaire une santé par la même occasion. Elisabeth avait comme à son habitude demandée sa ration de sang matinale, qui l’avait remise sur pieds instantanément. Elle avait passé sa journée le nez dans les livres, me racontant tous les merveilleux trésors qu’ils renfermaient. Hélas pour elle, je n’étais pas très réceptive et comme un sixième sens en éveil je sentais que quelque chose allait se passer mais, je ne savais quoi, cela n’arrangeait pas mon humeur.

C’est enfin au soleil couchant que je le sentis arriver. Je me rendis compte à ce moment précis comme il m’avait manqué.

       - Le voilà ! S’il te plait, sois accueillante pour une fois. Les yeux rivés sur la porte, je ne battais même plus des paupières pour ne pas en perdre une miette.

       - Voilà qui ? dit-elle d’une voix monocorde en fermant enfin ses livres.

       - Très drôle, chérie, c’est vrai que nous côtoyons tellement de monde que l’on est en droit de se demander qui peut bien nous rendre visite.

La porte principale ne s’ouvrit pas, on entendit juste toquer à la porte.

      - Tu es certaine que c’est lui Moeira ? Serait-il devenu poli ou amnésique depuis son départ.

      - Chut ! Je te signale que tu commences à avoir le même humour sarcastique que lui. Je lui tirai la langue tout en lui adressant un clin d’œil. Comme seule réponse elle rouvrit son ouvrage et cacha son visage sous ses longs cheveux.

En ouvrant la porte, je découvris mon amoureux dissimulé derrière un bouquet de roses rouges. J’avais peine à croire qu’il se tenait bien devant moi.

    - C’est bien ici que vit ma fabuleuse rousse ? Son regard rubis apparut  au dessus des fleurs carmin. Ce tableau aurait valu une fortune si une peinture avait été faite de cet instant. Je clignai des yeux et mis pour toujours cette image dans un coin de ma tête. J’ajoutai à un pense- bête imaginaire : coucher sur une toile ce moment précis. z

    - Oui ! C’est bien ici. En une fraction de seconde j’étais suspendue à son cou  et le couvrais de mille baisers.

    - La longueur de mes voyages prend tout son sens lorsque je te retrouve, tu m’as tellement manqué. Il me regardait droit dans les yeux comme si c’était la première fois qu’il me voyait mais également comme si il n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Je me sentais précieuse et importante et le bien être que cela me procurait était très agréable.

    - Ne reste pas sur le pas de la porte, rentre donc que je te fasse découvrir notre nouvelle maison. Je le tirai à l’intérieur de la maison et d’un geste brusque il me ramena près de lui et me dit d’un ton sec :

    - C’est très imprudent d’avoir laissé cette espèce de plan pour m’indiquer le lieu. J’aurais très bien pu le découvrir sans cela.

    - Oui, toutefois tu aurais perdu trop de temps, je voulais te simplifier les choses.

    - C’est totalement irresponsable ! Imagine si quelqu’un d’autre avait découvert cela. Il pénétra dans la pièce principale et gratifia d’un sourire Elisabeth qui ne prit même pas la peine de lever la tête de son livre.

    - Elisabeth s’est prise d’une nouvelle passion : dévorer tout ce qui peut être lu.

    - Et qui lui a appris à lire ? Me demanda Soltan, surpris.

    - Personne, il semble que je l’aie toujours su, répondit la jeune fille sans le regarder.

    - Vraiment ? Laisse-moi deviner : tu mets ta main dedans et tu en ressors son contenu.

    - Comment le sais-tu ? Demandais-je, stupéfaite. Elisabeth le dévisageait.

    - Formidable ! Encore un mystère qui entoure notre petite fille chérie ! je suis très heureux d’entendre le son de cette jolie voix. C’est la première fois qu’il parlait d’elle comme de sa propre enfant, j’étais abasourdie et ravie. C’était également une première qu’elle s’adresse à lui directement à haute voix. Cette nouvelle vie s’annonçait sous les meilleurs auspices. Je lui adressai un regard rempli d’espoir.

    - Elisabeth, j’aimerais que tu viennes t’asseoir dans le fauteuil avec ta mère, j’ai quelque chose de très important à dire et j’ai besoin de toute votre attention.

Il m’indiqua le canapé et à mon grand étonnement Elisabeth obtempéra sans un mot. Il se délesta de sa cape noire, qui lui servait de manteau plutôt par coquetterie que par nécessité. Il posa le bouquet sur la table basse. Il se racla la gorge, posa un genou à terre et d’un air grave et solennel il se me prit la main et dit :

    - Moeira, aucun jour n’a été plus heureux que ceux que j’ai passés avec toi, ma moitié. Tu as toujours été à mes côtés pour les bons et mauvais jours ; toi, ma bien-aimée, qui rêves d’humanité, d’amour, de tendresse. Je pose un genou à terre pour t’inviter à être mienne  pour toujours et l’éternité. Je t’aime plus que ma propre vie. Je crois plus fort en toi qu’en moi-même. Tu m’as toujours rendu meilleur que je ne suis. Encore maintenant, caché sous les traits d’un démon, dans tes bras je redeviens l’ange que j’ai été. Pour te remercier et te renouveler mes sentiments les plus sincères, je viens ce jour déposer à ton doigt cet anneau et te demander d’être ma femme à tout jamais. S’il te plait Moeira veux tu m’épouser ?

Mon cœur battait la chamade ; Soltan romantique, à genoux, me passant une bague au doigt, c’était trop beau pour être réel. J’avais déjà une fille  enchanteresse et une maison magnifique, tout était trop parfait. Je pensais un instant au prix que j’allais devoir payer pour tout ce bonheur. Je m’empressai d’essuyer mes larmes de sang naissantes au coin de mes yeux pour ne pas effrayer Elisabeth. Les mots n’arrivaient pas à sortir de ma bouche, je parlais mais c’était à peine audible.

   - Je pense qu’elle dirait oui si elle était en mesure de sortir un mot. Mais, crois moi, dans sa tête je vois une explosion de joie. Je pense que je vais vous laisser vous retrouver. Je vais dans ma chambre. Moei, si tu as quelques minutes tout à l’heure, j’aimerais manger quelque chose, je ne voudrais pas encore tomber d’épuisement. Félicitations à vous deux. Elle quitta la pièce en un clin d’œil.

Seule devant mon prince charmant et hébétée, je me penchai sur lui et au creux de l’oreille je lui donnai ma réponse.

  - Oui, je le veux plus que tout au monde, c’est le plus beau jour de ma vie. Je t’aime Soltan.

   - Moi aussi ma princesse, moi aussi.

Pour la première fois, nous restâmes tendrement enlacés, à genoux devant le feu qui dansait dans la cheminée. Pas de violence, pas de crocs, pas de vampire, pas d’ange. Juste deux êtres qui s’aiment. Le temps s’était arrêté. Je savourais chaque minute, j’aurais souhaité rester ainsi pour l’éternité et revivre à l’infini ce moment, qui fait que la dureté de la vie vaut la peine d’être affrontée. Depuis que nous étions vampires, toute notre vie allait à mille à l’heure. Notre relation autrefois réservée, tendre et douce était devenue dure, sauvage et passionnée. Nous nous aimions toujours aussi fort, même sûrement plus encore, mais l’intensité de nos échanges était à la hauteur de nos pouvoirs, de notre soif, de notre vitesse et notre quête d’ivresse constante. Il y avait des années que nous ne nous étions pas retrouvés ainsi, simplement  dans les bras l’un de l’autre, calmes, satisfaits et heureux, comme deux êtres humains, mon souhait le plus cher.

    - Mon amour, que dirais-tu d’aller faire quelques emplettes ? Il nous faut deux belles robes, deux beaux costumes, à l’occasion une alliance pour moi, il parait qu’il est d’usage d’échanger des bagues lors de la cérémonie. De plus, je voudrais ramener de nouveaux livres à Elisabeth. D’ailleurs, je pense même qu’il faudrait qu’elle vienne avec nous, il est temps pour elle de s’amuser un peu.

    - Oui pour tout. Cependant, j’ai plusieurs questions. Tu veux vraiment faire une cérémonie ? Qui va officier ? Je te rappelle que l’on est des vampires. Et à t’entendre tu veux faire cela très vite et je voudrais bien savoir quand exactement. De plus deux costumes, tu comptes te changer combien de fois ?

    - Ah !  Revoilà ma Moeira mille volts, mille questions, mille idées. Il riait. C’était tellement rare que je me sentais gênée et je cherchais ce qui pouvait être aussi drôle pour m’en resservir à foison. Une réponse à la fois, nous devons impérativement convoler demain, c’est le Solstice de printemps et nous allons être bénis des anges. Tu te souviens, je t’ai déjà expliqué bien des fois à quoi correspondait le Solstice.

    - Oui, il me semble que les unions faites ce même jour sur terre sont inébranlables, même au-delà de la mort, c’est bien cela ?

    - Merveilleuse future Mme Soltan, tout-à-fait. Bon, le bémol c’est que la personne qui officiera est la mort elle-même, c’est la partie cocasse de la cérémonie. Je fronçai les sourcils. Chut ! Ne t’en fais pas, je m’occupe de tout et si tu réfléchis bien, qui de mieux en ce qui nous concerne que notre créateur.

     - Désolée, mais je n’appelle pas la mort un créateur. De toute manière, on ne peut en aucun cas associer ces deux mots.

     - C’est le prix, nous n’avons pas le choix et pour ce qui est du deuxième costume, c’est une surprise que j’ai pour toi. Il dansait autour de moi, satisfait d’éveiller tant de curiosité.

    - Une surprise qui est déguisée dans un costume, tu me prends pour une imbécile !

    - La surprise s’appelle Vingt-Sang. Il attendait que je réagisse.

    - Vingt Sang ou Vincent ? C’est une personne ou une cave à vin. Il éclata de rire

    - Oh mon dieu, tu es unique. C’est un vampire, il va te plaire, il est très différent de tous les autres. Il est en quelque sorte mon cadeau de mariage, je te promets que tu vas l’adorer et je vais t’étonner mais je suis sûr que la petite aussi va le trouver intéressant. Tu sais, il est très cultivé.

     - Hors de question de mettre Elisabeth en contact avec un vampire.

     - Est-ce que tu entends ce que tu dis chérie, c’est encore plus drôle que la cave à vin, je crois ou peut-être pas.

     - Tu te moques de moi, c’est bien trop dangereux.

     - C’est là qu’il diffère des autres, il ne boit pas de sang humain. Fier de lui, il me faisait la révérence.

    - Pardon, si c’est une galéjade ce n’est pas drôle.

    - Pourtant c’est l’unique vérité, je vous parlerai de lui sur le chemin. Elisabeth prépare-toi pour ta première sortie en famille.

   - Moeira, je n’ai rien mangé et j’ai faim. Je ne suis pas en mesure de venir mais j’aimerais tellement. Derrière la porte, je captais les flots de paroles de ma fille qui ne perdait pas une miette de ma conversation avec Soltan.

     - Donne-moi une minute, j’ai été très occupée toute la journée et je dois d’abord faire à manger à la petite.

     - Pas le temps, va la chercher, nous mangerons en route. Je ne savais pas de quelle nourriture il voulait parler pour Elisabeth et vu la couleur flamboyante de ses yeux il était évident qu’il n’avait pas besoin de se nourrir, pour autant je ne dis mot.

     - Très bien, je vais la chercher. Je quittai la pièce principale pour rejoindre ma fille dans sa chambre. Je la trouvai face à la fenêtre qui donnait sur une magnifique vue dégagée sur la mer.

     - Elisabeth je te promets que nous allons trouver quelque chose à manger en chemin. C’est un grand jour pour toi, tu verras ça sera beaucoup plus divertissant que ta première chasse. Elle me fit face et dans sa main la lame du coupe-papier brilla sous la réverbération de la lune dans le ciel.

    - S’il te plait, je veux être en pleine possession de mes moyens et là je suis trop faible. Donne-moi juste de quoi tenir jusqu’au repas.

    - Ne sois pas sotte, évidement prends tout ce dont tu as besoin. Je lui arrachai la lame pour faire couler le sang de mon poignet. C’était son choix, sa demande, et pourtant je me rendais bien compte qu’elle aurait aimé avoir une autre solution. Elle ne suça mon poignet qu’un court instant.

    - Un jour il te faudra te débrouiller toute seule chère enfant, je ne serai pas toujours là.

    - Tu ne comprends pas. Ce n’est pas ce que tu crois mais, ce n’est pas le moment d’avoir cette discussion. J’étais perplexe, que voulait-elle dire exactement.

    - Moeira, murmura t-elle avec un soupir, qui en disait long.

    - Très bien, je vais me contenter de ça pour ce soir car la soirée est trop belle pour parler de chose grave, pour autant n’oublie jamais que quoi qu’il en retourne je suis ta mère et je t’aime. Rien ni personne ne changera cela, tu m’as bien comprise !

    - Je sais maman. Elle fit un pas vers moi et vint se lover autour de ma taille. C’est à ce moment que je sentis la poitrine naissante sous le tissu de son corsage qu’elle dissimulait par un gros châle. Elle avait encore pris quelques bons centimètres, ma petite jeune fille devenait, sans que je m’en aperçoive, une demoiselle. D’ici à la fin de la semaine, elle aurait la stature d’une adolescente de seize ans environ. Encore combien de temps pour qu’elle ne devienne femme Cette croissance inexpliquée allait-elle cesser ou continuer jusqu’à ce qu’elle devienne vieille et meure. Etait-ce le prix à payer ? Avoir tellement voulu un enfant et lui survivre. Je  préférais ne pas y penser. Soltan qui s’impatientait, remit mes questions à plus tard. Pas de tristesse ce soir, j’allais épouser mon prince de la nuit, j’étais mère et j’avais la maison de mes rêves. C’était déjà bien plus que je ne pouvais imaginer.

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