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Dévotion
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Dévotion
30 mai 2012

La déclaration.

Toute la sainte journée, j’avais tourné en rond dans la maison, faisant les cent pas. Soltan devait bientôt nous rejoindre. Je n’attendais qu’une chose : que la nuit tombe pour aller faire mes courses chez l’habitant et me refaire une santé par la même occasion. Elisabeth avait comme à son habitude demandée sa ration de sang matinale, qui l’avait remise sur pieds instantanément. Elle avait passé sa journée le nez dans les livres, me racontant tous les merveilleux trésors qu’ils renfermaient. Hélas pour elle, je n’étais pas très réceptive et comme un sixième sens en éveil je sentais que quelque chose allait se passer mais, je ne savais quoi, cela n’arrangeait pas mon humeur.

C’est enfin au soleil couchant que je le sentis arriver. Je me rendis compte à ce moment précis comme il m’avait manqué.

       - Le voilà ! S’il te plait, sois accueillante pour une fois. Les yeux rivés sur la porte, je ne battais même plus des paupières pour ne pas en perdre une miette.

       - Voilà qui ? dit-elle d’une voix monocorde en fermant enfin ses livres.

       - Très drôle, chérie, c’est vrai que nous côtoyons tellement de monde que l’on est en droit de se demander qui peut bien nous rendre visite.

La porte principale ne s’ouvrit pas, on entendit juste toquer à la porte.

      - Tu es certaine que c’est lui Moeira ? Serait-il devenu poli ou amnésique depuis son départ.

      - Chut ! Je te signale que tu commences à avoir le même humour sarcastique que lui. Je lui tirai la langue tout en lui adressant un clin d’œil. Comme seule réponse elle rouvrit son ouvrage et cacha son visage sous ses longs cheveux.

En ouvrant la porte, je découvris mon amoureux dissimulé derrière un bouquet de roses rouges. J’avais peine à croire qu’il se tenait bien devant moi.

    - C’est bien ici que vit ma fabuleuse rousse ? Son regard rubis apparut  au dessus des fleurs carmin. Ce tableau aurait valu une fortune si une peinture avait été faite de cet instant. Je clignai des yeux et mis pour toujours cette image dans un coin de ma tête. J’ajoutai à un pense- bête imaginaire : coucher sur une toile ce moment précis. z

    - Oui ! C’est bien ici. En une fraction de seconde j’étais suspendue à son cou  et le couvrais de mille baisers.

    - La longueur de mes voyages prend tout son sens lorsque je te retrouve, tu m’as tellement manqué. Il me regardait droit dans les yeux comme si c’était la première fois qu’il me voyait mais également comme si il n’avait jamais rien vu d’aussi beau. Je me sentais précieuse et importante et le bien être que cela me procurait était très agréable.

    - Ne reste pas sur le pas de la porte, rentre donc que je te fasse découvrir notre nouvelle maison. Je le tirai à l’intérieur de la maison et d’un geste brusque il me ramena près de lui et me dit d’un ton sec :

    - C’est très imprudent d’avoir laissé cette espèce de plan pour m’indiquer le lieu. J’aurais très bien pu le découvrir sans cela.

    - Oui, toutefois tu aurais perdu trop de temps, je voulais te simplifier les choses.

    - C’est totalement irresponsable ! Imagine si quelqu’un d’autre avait découvert cela. Il pénétra dans la pièce principale et gratifia d’un sourire Elisabeth qui ne prit même pas la peine de lever la tête de son livre.

    - Elisabeth s’est prise d’une nouvelle passion : dévorer tout ce qui peut être lu.

    - Et qui lui a appris à lire ? Me demanda Soltan, surpris.

    - Personne, il semble que je l’aie toujours su, répondit la jeune fille sans le regarder.

    - Vraiment ? Laisse-moi deviner : tu mets ta main dedans et tu en ressors son contenu.

    - Comment le sais-tu ? Demandais-je, stupéfaite. Elisabeth le dévisageait.

    - Formidable ! Encore un mystère qui entoure notre petite fille chérie ! je suis très heureux d’entendre le son de cette jolie voix. C’est la première fois qu’il parlait d’elle comme de sa propre enfant, j’étais abasourdie et ravie. C’était également une première qu’elle s’adresse à lui directement à haute voix. Cette nouvelle vie s’annonçait sous les meilleurs auspices. Je lui adressai un regard rempli d’espoir.

    - Elisabeth, j’aimerais que tu viennes t’asseoir dans le fauteuil avec ta mère, j’ai quelque chose de très important à dire et j’ai besoin de toute votre attention.

Il m’indiqua le canapé et à mon grand étonnement Elisabeth obtempéra sans un mot. Il se délesta de sa cape noire, qui lui servait de manteau plutôt par coquetterie que par nécessité. Il posa le bouquet sur la table basse. Il se racla la gorge, posa un genou à terre et d’un air grave et solennel il se me prit la main et dit :

    - Moeira, aucun jour n’a été plus heureux que ceux que j’ai passés avec toi, ma moitié. Tu as toujours été à mes côtés pour les bons et mauvais jours ; toi, ma bien-aimée, qui rêves d’humanité, d’amour, de tendresse. Je pose un genou à terre pour t’inviter à être mienne  pour toujours et l’éternité. Je t’aime plus que ma propre vie. Je crois plus fort en toi qu’en moi-même. Tu m’as toujours rendu meilleur que je ne suis. Encore maintenant, caché sous les traits d’un démon, dans tes bras je redeviens l’ange que j’ai été. Pour te remercier et te renouveler mes sentiments les plus sincères, je viens ce jour déposer à ton doigt cet anneau et te demander d’être ma femme à tout jamais. S’il te plait Moeira veux tu m’épouser ?

Mon cœur battait la chamade ; Soltan romantique, à genoux, me passant une bague au doigt, c’était trop beau pour être réel. J’avais déjà une fille  enchanteresse et une maison magnifique, tout était trop parfait. Je pensais un instant au prix que j’allais devoir payer pour tout ce bonheur. Je m’empressai d’essuyer mes larmes de sang naissantes au coin de mes yeux pour ne pas effrayer Elisabeth. Les mots n’arrivaient pas à sortir de ma bouche, je parlais mais c’était à peine audible.

   - Je pense qu’elle dirait oui si elle était en mesure de sortir un mot. Mais, crois moi, dans sa tête je vois une explosion de joie. Je pense que je vais vous laisser vous retrouver. Je vais dans ma chambre. Moei, si tu as quelques minutes tout à l’heure, j’aimerais manger quelque chose, je ne voudrais pas encore tomber d’épuisement. Félicitations à vous deux. Elle quitta la pièce en un clin d’œil.

Seule devant mon prince charmant et hébétée, je me penchai sur lui et au creux de l’oreille je lui donnai ma réponse.

  - Oui, je le veux plus que tout au monde, c’est le plus beau jour de ma vie. Je t’aime Soltan.

   - Moi aussi ma princesse, moi aussi.

Pour la première fois, nous restâmes tendrement enlacés, à genoux devant le feu qui dansait dans la cheminée. Pas de violence, pas de crocs, pas de vampire, pas d’ange. Juste deux êtres qui s’aiment. Le temps s’était arrêté. Je savourais chaque minute, j’aurais souhaité rester ainsi pour l’éternité et revivre à l’infini ce moment, qui fait que la dureté de la vie vaut la peine d’être affrontée. Depuis que nous étions vampires, toute notre vie allait à mille à l’heure. Notre relation autrefois réservée, tendre et douce était devenue dure, sauvage et passionnée. Nous nous aimions toujours aussi fort, même sûrement plus encore, mais l’intensité de nos échanges était à la hauteur de nos pouvoirs, de notre soif, de notre vitesse et notre quête d’ivresse constante. Il y avait des années que nous ne nous étions pas retrouvés ainsi, simplement  dans les bras l’un de l’autre, calmes, satisfaits et heureux, comme deux êtres humains, mon souhait le plus cher.

    - Mon amour, que dirais-tu d’aller faire quelques emplettes ? Il nous faut deux belles robes, deux beaux costumes, à l’occasion une alliance pour moi, il parait qu’il est d’usage d’échanger des bagues lors de la cérémonie. De plus, je voudrais ramener de nouveaux livres à Elisabeth. D’ailleurs, je pense même qu’il faudrait qu’elle vienne avec nous, il est temps pour elle de s’amuser un peu.

    - Oui pour tout. Cependant, j’ai plusieurs questions. Tu veux vraiment faire une cérémonie ? Qui va officier ? Je te rappelle que l’on est des vampires. Et à t’entendre tu veux faire cela très vite et je voudrais bien savoir quand exactement. De plus deux costumes, tu comptes te changer combien de fois ?

    - Ah !  Revoilà ma Moeira mille volts, mille questions, mille idées. Il riait. C’était tellement rare que je me sentais gênée et je cherchais ce qui pouvait être aussi drôle pour m’en resservir à foison. Une réponse à la fois, nous devons impérativement convoler demain, c’est le Solstice de printemps et nous allons être bénis des anges. Tu te souviens, je t’ai déjà expliqué bien des fois à quoi correspondait le Solstice.

    - Oui, il me semble que les unions faites ce même jour sur terre sont inébranlables, même au-delà de la mort, c’est bien cela ?

    - Merveilleuse future Mme Soltan, tout-à-fait. Bon, le bémol c’est que la personne qui officiera est la mort elle-même, c’est la partie cocasse de la cérémonie. Je fronçai les sourcils. Chut ! Ne t’en fais pas, je m’occupe de tout et si tu réfléchis bien, qui de mieux en ce qui nous concerne que notre créateur.

     - Désolée, mais je n’appelle pas la mort un créateur. De toute manière, on ne peut en aucun cas associer ces deux mots.

     - C’est le prix, nous n’avons pas le choix et pour ce qui est du deuxième costume, c’est une surprise que j’ai pour toi. Il dansait autour de moi, satisfait d’éveiller tant de curiosité.

    - Une surprise qui est déguisée dans un costume, tu me prends pour une imbécile !

    - La surprise s’appelle Vingt-Sang. Il attendait que je réagisse.

    - Vingt Sang ou Vincent ? C’est une personne ou une cave à vin. Il éclata de rire

    - Oh mon dieu, tu es unique. C’est un vampire, il va te plaire, il est très différent de tous les autres. Il est en quelque sorte mon cadeau de mariage, je te promets que tu vas l’adorer et je vais t’étonner mais je suis sûr que la petite aussi va le trouver intéressant. Tu sais, il est très cultivé.

     - Hors de question de mettre Elisabeth en contact avec un vampire.

     - Est-ce que tu entends ce que tu dis chérie, c’est encore plus drôle que la cave à vin, je crois ou peut-être pas.

     - Tu te moques de moi, c’est bien trop dangereux.

     - C’est là qu’il diffère des autres, il ne boit pas de sang humain. Fier de lui, il me faisait la révérence.

    - Pardon, si c’est une galéjade ce n’est pas drôle.

    - Pourtant c’est l’unique vérité, je vous parlerai de lui sur le chemin. Elisabeth prépare-toi pour ta première sortie en famille.

   - Moeira, je n’ai rien mangé et j’ai faim. Je ne suis pas en mesure de venir mais j’aimerais tellement. Derrière la porte, je captais les flots de paroles de ma fille qui ne perdait pas une miette de ma conversation avec Soltan.

     - Donne-moi une minute, j’ai été très occupée toute la journée et je dois d’abord faire à manger à la petite.

     - Pas le temps, va la chercher, nous mangerons en route. Je ne savais pas de quelle nourriture il voulait parler pour Elisabeth et vu la couleur flamboyante de ses yeux il était évident qu’il n’avait pas besoin de se nourrir, pour autant je ne dis mot.

     - Très bien, je vais la chercher. Je quittai la pièce principale pour rejoindre ma fille dans sa chambre. Je la trouvai face à la fenêtre qui donnait sur une magnifique vue dégagée sur la mer.

     - Elisabeth je te promets que nous allons trouver quelque chose à manger en chemin. C’est un grand jour pour toi, tu verras ça sera beaucoup plus divertissant que ta première chasse. Elle me fit face et dans sa main la lame du coupe-papier brilla sous la réverbération de la lune dans le ciel.

    - S’il te plait, je veux être en pleine possession de mes moyens et là je suis trop faible. Donne-moi juste de quoi tenir jusqu’au repas.

    - Ne sois pas sotte, évidement prends tout ce dont tu as besoin. Je lui arrachai la lame pour faire couler le sang de mon poignet. C’était son choix, sa demande, et pourtant je me rendais bien compte qu’elle aurait aimé avoir une autre solution. Elle ne suça mon poignet qu’un court instant.

    - Un jour il te faudra te débrouiller toute seule chère enfant, je ne serai pas toujours là.

    - Tu ne comprends pas. Ce n’est pas ce que tu crois mais, ce n’est pas le moment d’avoir cette discussion. J’étais perplexe, que voulait-elle dire exactement.

    - Moeira, murmura t-elle avec un soupir, qui en disait long.

    - Très bien, je vais me contenter de ça pour ce soir car la soirée est trop belle pour parler de chose grave, pour autant n’oublie jamais que quoi qu’il en retourne je suis ta mère et je t’aime. Rien ni personne ne changera cela, tu m’as bien comprise !

    - Je sais maman. Elle fit un pas vers moi et vint se lover autour de ma taille. C’est à ce moment que je sentis la poitrine naissante sous le tissu de son corsage qu’elle dissimulait par un gros châle. Elle avait encore pris quelques bons centimètres, ma petite jeune fille devenait, sans que je m’en aperçoive, une demoiselle. D’ici à la fin de la semaine, elle aurait la stature d’une adolescente de seize ans environ. Encore combien de temps pour qu’elle ne devienne femme Cette croissance inexpliquée allait-elle cesser ou continuer jusqu’à ce qu’elle devienne vieille et meure. Etait-ce le prix à payer ? Avoir tellement voulu un enfant et lui survivre. Je  préférais ne pas y penser. Soltan qui s’impatientait, remit mes questions à plus tard. Pas de tristesse ce soir, j’allais épouser mon prince de la nuit, j’étais mère et j’avais la maison de mes rêves. C’était déjà bien plus que je ne pouvais imaginer.

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