Le début du Solstice de printemps.

Tous les anges avaient regagné le ciel en ces jours de Solstice de printemps, il était primordial que notre communauté se retrouve. Ce qui me rassurait c’est que personne ne viendrait me ressasser nos affaires, ni ma mère, ni Clotaire. Au ciel, il y avait un temps pour tout et même par temps de guerre l’heure était à la fête, la communion et le bonheur. Tout ceci ne me rendait pas plus serein pour autant et faire semblant devenait une habitude. Trois jours durant lesquels auraient lieu dans l’ordre : la grande réunion qui lancerait le début des festivités Ce  soir avait lieu le grand bal des anges dans la salle de l’assemblée, qui avait pour thème le changement. Je trouvais cette idée de changement très appropriée et j’étais curieux de voir la définition du ciel qui s’accrochait depuis toujours aux valeurs et traditions. Demain les cérémonies de mariage dans le jardin qui avait été aménagé pour l’occasion et après-demain les nouveaux anges, au berceau des naissances, qui recevraient leurs ailes. Un souvenir qui resterait gravé à jamais dans ma tête. Le programme était également sur tous les tableaux d’affichage, ce qui me dédouanait de ne pas assister à la cérémonie d’ouverture et de prendre connaissance des événements.  Pour ma part je me contenterai uniquement du bal, n’étant personnellement pas impliqué dans  le reste des cérémonies. Nous avions tous attendu depuis de nombreuses années d’avoir le droit de nous rendre à ce bal, qui est une consécration et une reconnaissance au ciel. C’était également la soirée idéale pour faire de belles rencontres où souvent les couples officiels se dévoilaient. Nous avions bien des nuits discutées de cette fameuse soirée avec Samuel lorsque nous étions enfants. Ce jour tant attendu était arrivé et je n’avais plus du tout envie de m’y rendre. Je n’avais pas le cœur à la fête, j’avais peur de revoir Claire. Je craignais que mon amour resurgisse en la voyant et que tout se fasse sous le regard désapprobateur de Kara. J’avais passé la journée à voler dans le ciel, loin de tout, loin de tous et à mon retour dans mes appartements je découvris un paquet devant ma porte, que je reconnus : le costume que Kara m’avait fait faire. Je scannai les alentours, mais je ne perçus pas sa présence. Arrivé dans ma chambre, je déballai le présent qui avait été confectionné avec raffinement ; il m’irait parfaitement, je faisais confiance à Kara pour son bon goût. Je me glissai sous la douche en vue de me préparer ensuite et là, après quelques instants sous l’eau chaude ruisselante, comme un moment de déjà vu, je ressentis, j’entendis  et je touchai. Mes sens étaient en émoi. Tout comme la première fois, je ressentais  plus que je n’entendais. Pourtant je devinais mon prénom en murmure. Les yeux fermés, je me laissais transporter. Le désir imprégnait mon corps. J’avais l’impression que quelqu’un était prés de moi, j’entendais des petits mots tendres, je sentais des bras m’envelopper. J’étais déstabilisé, je finis par m’asseoir au fond de la douche et j’ouvris toutes les fenêtres dans la direction des signaux, prêt à voir ou entendre l’impensable. Samuel m’avait assuré ne partager aucune intimité avec Claire, qu’en était-il vraiment ?

C’est à ce moment que je la vis allongée sur un lit, je n’avais que des brides d’images rien de vraiment net, seules les sensations l’étaient. Cachée sous ses draps je l’entrevoyais à travers notre passerelle commune. Je devinais un corps allongé. Avec ma main dans le vide je tentais de baisser le tissu qui cachait son visage. Un instant le doute m’avait gagné : était-ce Claire ou Kara. Sans comprendre comment ni pourquoi je reçus un violent choc et comme un coup de poing dans le ventre. Je sortis de ma torpeur un peu sonné, encore sous l’eau de la douche. Le contact avait été rompu, je me sentais honteux et énervé car je n’avais pas eu ma réponse. Ma tête était chamboulée, j’étais certain que c’était l’une d’elles mais laquelle. Kara m’avait suivi à l’époque lorsque je m’étais précipité dans le ciel pour fuir ce que j’avais imaginé : Samuel et Claire. Mais elle aurait certainement fini par se vanter de cela. Et si c’était Claire, pourquoi rêverait-elle de moi ? Et si Samuel avait raison. J’étais complètement perturbé et je ne savais qui choisir.

Les hauts parleurs du château annonçaient l’ouverture imminente du bal du Solstice de printemps, invitant tous les participants à rejoindre la salle et je n’étais pas encore prêt.