L'entrainement.

 En entrant dans la salle pour rejoindre le groupe, je ne savais pas encore que j’allais être absent du château durant des mois.

             -  Bonjour à tous ceux que je n’ai pas encore vus. Je vais être direct et précis. Nous avons du pain sur la planche, donc je vous demande de bien écouter ce que je vais vous dire. Mais avant tout, nous ne devons pas rester ici. Toutes nos réunions auront lieu dans mon appartement à présent ; j’ai fait aménager celui-ci pour la bonne cause, alors en route. 

Sans aucun mot ou presque, l’un derrière l’autre, nous l’avons suivi.

             - Kara, tu as eu aussi le paquet dans ta chambre ? 

            - Oui, et je dois dire que je fourmille de questions. 

Artus ouvrit la porte et nous pria d’entrer. Les lieux n’avaient plus rien à voir avec ma dernière visite. Les murs repeints en beige étaient recouverts de cartographies de toutes sortes. Des casiers, empilés les uns sur les autres du sol au plafond, avaient pris la place du lit. Chaque colonne comportait une étiquette et était remplie de choses diverses. Au centre de la pièce, une grande table sans siège prenait une bonne partie de l’ancien salon. Sur cette table un drap recouvrait quelque chose, dont on ne distinguait que la forme.

Mais je savais, j’avais envie de crier ma joie, mais je n’en fis rien.

Ce que j’avais tant espéré se réalisa. Artus se posta de l’autre côté de la table et mit la main sur le drap, prêt à le soulever.  Nous nous tenions en face de lui, nos yeux rivés sur sa main mais personne ne pipait mot.

        - Je dois d’abord vous remercier d’être ici en ce jour très spécial et vous dire que c’est un moment  unique.  Comme vous le savez tous, nous avons une mission de la plus haute importance et à partir de ce jour, rien de ce qui sera dit, vu et entendu entre ces murs ne devra en sortir. Il en va de l’intégrité de chacun mais surtout de la vie de nous tous. Nous sommes aujourd’hui une équipe, des frères et sœurs. Je suis très fier de vous présenter ce qui va faire de nous des sauveurs. 

Un discours ! Je n’en pouvais plus d’attendre pour voir ce qui se cachait sous le drap.

         - Donc voila ! Son bras tira sur le tissu et laissa place au spectacle.

Sur l’ovale de la table étaient exposés huit arcs. La poignée supérieure était sculptée  de feuilles d’or et de plumes. Les branches supérieure et inférieure semblaient faites de cristal transparent, renvoyant le soleil en mille éclats dans la chambre d’Artus. La poignée représentait une paire d’ailes en or fin et, plus surprenant, la corde ressemblait à une grande plume de couleur opale, presque transparente. Un bijou de finesse  et de beauté. A côté, le dessin de mon livre, qui pourtant m’avait paru magnifique, devenait singulier. Près de chaque arc, huit flèches dorées étaient posées. La pointe transparente rappelait les parties en cristal de l’arc et chaque extrémité en plumes blanches finissait la tige en or.

Les équipes étaient à la fois joyeuses et inquiètes.

        - Chaque arc et chaque flèche revêtent vos initiales. Chaque instrument est propre à chacun de vous. Personne d’autre que son propriétaire ne pourra utiliser l’arc une fois que celui-ci , sera imprégné de son aura. 

         - C’est tout simplement stupéfiant. Dit Logan.

Chacun en avait plein les yeux, Artus semblait ravi de l’effet de surprise.

         - Bien, passons à la question pratique. Vous avez tous votre lanière et votre gourde ? 

Nous étions tous en train de fouiller nos sacs afin d’en sortir les effets personnels déposés à notre intention dans un carton, dans nos chambres.

        -  Comme vous pouvez le constater, la gourde comporte  huit boutons. Chacun d’eux est un réceptacle pour chacune de vos flèches. Je vais vous mimer le processus. Vous ouvrez un bouton et vous glissez la pointe de votre flèche dedans jusqu’à ce que celle-ci ne bouge plus et vous répétez le geste pour chacune des flèches. Une fois fait, cela devrait ressembler à un magnifique soleil. Votre gourde est le porte pointes mais également le porte potion qui déposera la solution salvatrice.  Artus fixa la gourde sur la lanière et la mit en bandoulière. De sa main droite il saisit son arc et de l’autre ses flèches.

Une lumière semblable à l’ablution partit de ses mains jusqu’à la pointe de ses ailes.

        - Mes amis, voici l’imprégnation ; je vous invite à faire comme moi.

Tour à tour, nous prîmes possession de notre équipement.

Je me sentais fort comme un roc.

      - Parfait. Avant d’aller vous entraîner, je vous prie de bien prendre acte de ce qui va suivre et de bien écouter toutes mes recommandations.

Le long de ce mur vous pouvez constater qu’une colonne porte votre nom. Ici vous trouverez tout le nécessaire pour partir sur terre : vêtements de rechange, argent et tout ce qui peut vous être utile. A partir de maintenant, personne ne se promène dans le château avec son sac. Tout reste ici, on se prépare ici et seulement ici. »

Artus fit un demi-tour sur lui-même et se dirigea vers le seul mur sans carte, qui, lui, était habillé d’une majestueuse bibliothèque.

      - Par ici. Il tendit la main pour prendre un livre.

      -  Les sauveurs. Retenez bien ce titre, j’espère qu’il sera annonciateur. Il le replaça aussi vite qu’il l’avait saisi. Un cliquetis résonna et la bibliothèque s’ouvrit en deux, laissant place à un sas lumineux. De simples crochets ornaient les murs.

      - Voici une antichambre. Vous déposerez ici votre équipement, après chaque retour sur terre. Il n’est plus question d’aller et venir par n’importe quelle porte du château. Ceci est votre unique porte d’entrée et de sortie à présent. Au bout de cette pièce stérile et pleine de lumière on apercevait une ouverture sur le ciel.

Je voyais dans ce couloir, qui menait aux nuages, l’aventure exceptionnelle qui nous attendait. Nous étions tous euphoriques et Artus le premier. En avançant sur le bord de la piste d’envol, nous prîmes tous en pleine figure la grande pression que nous avions sur les épaules. La piste donnait tout droit sur le jardin de nuages privé du château des unificateurs. Personne, je dis bien personne n’a jamais vu ou ni même eu accès à cette partie la plus haute de notre territoire. C’était un honneur, mais c’était aussi terrifiant. Je comprenais pourquoi l’antichambre était le lieu le plus secret et le plus sûr pour nous.  Chacun se regardait, cherchant dans les yeux de son voisin le courage et la force de rester là, debout, et d’être prêt à sauver le monde.

L’entraînement commença là dans leur jardin de nuages. Leur palais était splendide et raffiné, fait de petits dômes très Rome Antique. Je me demandais si les unificateurs nous regardaient et nous jaugeaient.

      - Comme vous avez pu le constater, nous allons pour le moment nous contenter de nous familiariser avec nos arcs. Inutile de les mettre dans les fourreaux de la gourde car il n’y a personne à sauver ici.  Il vous suffit simplement de penser « flèche » et celle-ci se retrouvera immédiatement prête à tirer dans votre viseur. Il va falloir faire abstraction de tout et rester concentré. Pour récupérer votre projectile, tendez les mains, dites « flèche » et elle reviendra immédiatement. Note importante : sur terre il est primordial de n’en laisser aucune traîner. Veillez à bien récupérer votre matériel. 

Nous buvions les précieux conseils d’Artus, il était maintenant temps de mettre en pratique l’instrument. Caché dans les nuages, chacun de nous se familiarisait avec son arc. Tirer en plein vol ne fut pas chose aisée. Comme je l’avais lu dans les livres anciens, l’arc armé de sa flèche faisait toujours mouche. Il nous fallut appréhender l’équilibre car même si sa légèreté était impressionnante, sa taille l’était tout autant. Nous restâmes trois jours et trois nuits à nous entraîner sans relâche puis, nous gagnâmes la terre.