Une arme de pureté.

Dans les couloirs qui menaient à ma chambre, mes premiers exercices pour bloquer les pensées avaient été concluants. En entrant dans  la pièce principale, je découvris un imposant paquet sur la table du salon. Très impatient de voir ce qu’il contenait, j’arrachai les bords. Le contenu paraissait minimaliste par rapport à la grandeur de la boite. Elle contenait une ceinture bien trop grande pour être portée à la taille, une petite gourde en cuir souple dont le  bord était orné d’une rangée de boutons en argent à l’effigie des anges. «  Eh bien, avec ça je vais faire des miracles, une vrai tenue de combat ».

Le plus important était dans le contenu de la lettre qui l’accompagnait.

«  Nous comptons sur vous pour mener à bien vos missions futures. Le monde que nous connaissions est en péril. Nous comptons tous sur votre discrétion et votre réussite. Il est important de tous les sauver. Vous avez entre vos mains l’avenir et notre plus grand trésor l’Eau de vie, faites en bon usage. Le bien prévaudra sur le mal, il ne peut en être autrement. »  Les unificateurs.

En regardant l’intérieur de la gourde je fus stupéfait de constater que l’eau de vie et le liquide de notre bassin des naissances avaient le même aspect.

Tout le monde connaissait les bienfaits de l’eau aux vertus miraculeuses, sans pourtant l’avoir déjà vue, mais personne ne croyait vraiment ce que les livres anciens relataient. Je me félicitai  intérieurement d’avoir savamment parcouru la section histoire des anges de la bibliothèque. Dans un récit appelé « la dernière chance », je me souvenais avoir lu que l’Eau de vie délivrait des poisons, guérissait des plaies mortelles et pouvait même redonner la vie suivant la quantité absorbée.  Nous utilisions fréquemment le bassin des thermes pour  nos activités  d’anges et je trouvais pourtant à ce moment qu’elle portait les mêmes caractéristiques, sous d’autres formes. Le bassin donnait naissance à nos ailes, c’est également par celui-ci que faisions renaître nos élus, et là que nous donnions les prédispositions ou dons, appelez cela comme il vous plaira. Le bassin a toujours eu un magnétisme particulier, sans parler de l’élégance  et du charme de la structure colorée donnant vue sur le ciel.  Ce pouvait-il que cela soit la même eau ? Il était impossible d’en extraire une goutte, le liquide se défilait sur n’importe quelle matière, comme le plomb chauffé. Pourtant, l’eau argentée du bassin et celle de ma gourde étaient identiques, j’en étais certain. Le ciel et ses nombreux secrets ! je restai émerveillé de la simplicité avec laquelle les unificateurs avaient caché un bien aussi précieux. Tous les jours nous côtoyions sans le savoir notre plus grand trésor.

Dans  un temps lointain, des anges avaient manifesté leur indépendance et une petite révolution s’était mise en place. A l’époque, Lucifer était le plus beau de tous les anges et cela lui monta tellement à la tête qu’il défia les dieux.  Plusieurs batailles eurent lieu. Lucifer et quelques autres  avaient été bannis du ciel, pour des raisons controversées. Certains disaient qu’ils avaient été pervertis par la luxure et  d’autres préféraient  mettre en avant le péché d’orgueil.  Pour ma part, je pensais que c’était sûrement un mélange des deux et en repensant à cette histoire, je m’aperçus que tout était un éternel recommencement. Ils avaient donc été chassés du paradis et ils étaient devenus des démons, qui n’avaient pas de limite dans leurs manigances pour exterminer la race angélique, afin de s’emparer de la fontaine de jouvence, c’était ainsi que les livres anciens la nommaient. Peut-être même est-il possible que ce soit leurs descendants qui opèrent à présent. Si toutes ces histoires sont véridiques, bien sûr.

A l’époque, les Fondateurs avaient fait faire des Arcs d’or avec des flèches imprégnées. Chaque flèche atteignait sont but,  aucun échec ! Elles pouvaient transpercer toutes les matières. Je me rappelais avoir été fasciné par le dessin représentant un archer en plein combat. Ce pouvait-il que les fondateurs nous octroient à notre tour un arc ? Je n’osai pas y croire. Je fouillai le restant de la boite, vide hélas. Je m’étais laissé aller à  rêver à cette éventuelle acquisition. Ce n’était pas une simple arme de défense, elle était majestueuse et flamboyante dans l’action, d’une précision sans faille ; son magnétisme ressentait le danger autour du porteur. Comme une gardienne repérant son assaillant, elle vibrait entre les mains de son propriétaire. Armée de sa flèche, elle devenait une arme tellement puissante que même un vampire n’aurait pu en réchapper, j’en étais certain. La panoplie d’autrefois ayant été complétée d’un élixir de vie, je rêvais déjà d’évasion, de poursuites et de confrontations.

Mes pensées m’amenèrent tout droit à ma priorité, Elisabeth. Combien de temps la garderaient-ils en vie, serai-je en mesure d’arriver à temps ?

Je rassemblai mes affaires dans mon sac de mission et je sortis avec hâte de mes appartements, chaque minute passée ici était perdue pour retrouver ma fille.

Ces derniers temps, ma mère, Gabrielle, n’avait pas été visible, même après avoir sondé chaque partie du château du ciel pour prétexter une rencontre fortuite. J’en avais déduit que, soit elle n’était pas au ciel, soit elle m’évitait soigneusement, ce qui cachait forcément quelque chose.  J’allais rejoindre l’équipe quand j’aperçus mon frère à l’entrée de la salle.

    -  Bonjour Samuel, tu cherches quelque chose ? 

    - Je t’attendais. Alors tu repars sur terre ? 

    - Oui, effectivement. Je suis désolé mais je n’ai pas le temps de parler avec toi pour le moment. 

    - Je comprends, je voulais juste avoir de tes nouvelles. 

    - Je vois. Ne t’inquiète pas pour moi. 

Je ne pouvais pas lui donner les détails, je distillais des images en pensée dans sa tête. Je le connaissais comme si c’était moi, il ne me laisserait pas partir sans explications.

    -  Je dois y aller, on m’attend. Lui lançai-je en passant devant lui. Sans me retourner, je m’enhardis à lui demander en pensée.

    - Comment va-t-elle ? 

    - Bien ! Enfin je crois, elle fait un bien meilleur ange de la mort que toi, le sais- tu ? Je stoppai ma course pour de nouveau lui faire face. Un petit rictus se dessina sur mes lèvres.

    - Elle a eu le meilleur professeur, je te rappelle !  Et pour la petite ?

Samuel avait maintenant l’air penaud.

    - Elle ne m’en parle jamais. 

    - L’ablution fait son chemin dans son être, c’est sûrement mieux ainsi. 

    - Tu me manques, Satya ! Venait-il de poster dans ma tête.

    -  Moi aussi. 

Je ne devais pas m’émouvoir, pas maintenant. Je devais garder mon objectif à l’esprit, pas de frère,  pas de Claire, pas d’amour ni de compassion, juste un objectif : retrouver ma fille et en vie.