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Dévotion
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Dévotion
22 mai 2012

Un autre visage.

     Je revenais, ivre de sang humain pour la première fois depuis des mois. J’avais oublié les bienfaits sur notre espèce, la sensation qui parcourait mon corps était unique en son genre. L’abstinence avait l’avantage de me faire profiter comme pour la première fois des avantages d’être un vampire. Soltan avait raison, le sang animal diminuait mes capacités. A présent, je me sentais invincible, tous mes sens en éveil, je pouvais sentir Elisabeth. Je devinais son aura à travers les arbres, je la percevais clairement. Curieuse de la voir évoluer seule dans les lieux, je restai en retrait pour l’observer. Je ne sus que plus tard, ce qui lui avait traversé l’esprit ce jour.

Le ciel était bleu à son zénith quand Elisabeth se réveilla. Elle entendait le chant des oiseaux dans les arbres, ce qui signifiait que je n’étais pas dans les parages. Elisabeth avait remarqué que notre environnement semblait différent en  ma présence. Une petite brise courait dans les branchages, les rayons du soleil transperçaient la clairière devant la maison, on aurait dit un passage de la terre au ciel. Il était peut-être temps d’aller vers les voix qui l’obsédaient. Il n’y avait pas une minute à perdre, l’occasion ne se représenterait pas.

Devant ce spectacle de lumière, l’envie était trop forte. Elle se précipita à la porte d’entrée, qui était bien entendu fermée à clé. Il lui fallait trouver une autre sortie, elle devait à tout prix voir ce qu’il y avait au bout de ce halo. Elle se jeta sur chaque fenêtre sans succès, elles étaient toutes verrouillées.

    -  Ah ! Moeira ce n’est pas juste ! Elle  se laissa tomber sur sa chaise devant la vitre ou elle passait des heures à écouter les voix dans sa tête et à attendre que quelqu’un vienne divertir ses journées.

Soudain, elle se releva pour empoigner la chaise et la jeter dans la vitre. Dans un grand fracas, le verre explosa sous la pression du siège, qui venait de perdre un pied en touchant le sol extérieur. Le petit vent tiède rentra directement  lui caresser les joues, l’invitant à sortir de sa prison. Elisabeth se précipita sur le rebord et enjamba l’encadrement de la fenêtre. Elle regretta aussitôt d’avoir été si impatiente et de n’avoir pas pris le temps de se chausser. La douleur déchira la plante de ses pieds et un pan de sa robe. Malgré un saut élégant et vif, les morceaux de verre s’étaient glissés dans sa peau. Mais elle ne voulait pas perdre davantage de temps, je pouvais arriver à tout moment et j’en mourais d’envie, mais je ne fis rien. N’ayant pas à cette époque la connexion directe sur son psychisme, je ne savais pas réellement ce qu’elle faisait. Elle ôta sommairement les éclats et courut sous la percée des rayons du soleil.

La chaleur l’emplit  immédiatement d’un bien être rassurant, hélas la luminosité trop forte empêchait de voir au-delà. Alors, elle ferma les yeux et essaya de se concentrer comme jamais elle ne l’avait fait. Elle se mit à crier en pensée.

    -  Je suis là ! Est-ce que quelqu’un m’entends ? Est-ce que quelqu’un me voit ? 

Elle entendait la voix chantante qu’elle recherchait toujours en pensée, assise sur sa chaise ; malheureusement c’était comme être invisible. Elisabeth ressentait, voyait presque la chanteuse, mais celle –ci ne semblait pas la voir ni même l’entendre. Seule, accompagnée de sa mélodie triste, elle la sentait en peine. Mais comment pouvait-elle être si désenchantée, elle qui semblait avoir tant de compagnie autour de son être. Elisabeth aurait tellement voulu à son tour réconforter cette douce voix qui, jusqu’à maintenant, avait été son refuge et son espoir. Depuis le début, elle sentait un mélange de sentiments familiers et d’unité avec cette personne inconnue. Elle essaya de nouveau à haute voix.

    -  Je suis ici-bas ! Hé, oh, il y a quelqu’un ? 

Cette seule phrase lui raisonna comme mille volts dans la tête, lui faisant perdre l’équilibre. La chute fût brutale quand sa tête heurta un rocher.

Pourquoi était-il si difficile de parler à haute voix. Elisabeth porta les mains à sa tête douloureuse. La plaie était ouverte et du sang coulait le long de son front.

    - Oh non, il ne manquait plus que ça ! 

Elle essaya de s’asseoir mais impossible. Trop étourdie, elle s’allongea sur le flanc. La souffrance causée par son cri avait masqué le mal infligé par la blessure. Couchée au milieu de la clairière, elle n’avait plus qu’attendre que ça passe un peu.

Au loin, le bosquet s’agitait et des grognements soudains s’en échappaient.

Elisabeth crut d’abord souffrir d’hallucination, quand une chose poilue en sortit. L’animal se rapprochait d’elle prudemment, ne la quittant pas des yeux, marquant de longs arrêts, attendant le bon moment pour se jeter sur sa proie. La peur la paralysait au sol et ses faibles forces semblaient l’abandonner. Elle aurait aimé pouvoir crier pour demander de l’aide. Mais elle savait que ni le ciel, ni moi, ne pourraient lui venir en aide.

Elle avait tant espéré que quelqu’un viendrait la chercher, et il fallut que ce soit une bête, Moeira n’allait pas être contente. Sous son petit corps meurtri et écorché, une mare de sang commençait à se former. Elle se sentait partir. Entre ses yeux mi- clos, une vision d’horreur sonnait l’heure de la fin. La chose venait d’ouvrir sa gueule, une rangée de crocs acerbes s’approchait de son visage. Au même instant un courant d’air violent vint frapper celle-ci. Un grand hurlement bestial perça le silence de cette belle journée. Le vacarme d’une bataille faisait trembler le sol. Des soulèvements de feuilles et de terre se faisaient de part et d’autre. La cacophonie des éléments laissait à penser qu’ils étaient maintenant une dizaine à se battre là, tout près d’elle. Elisabeth essaya d’ouvrir les yeux, l’image était floue. A sa grande surprise seules deux formes roulaient l’une sur l’autre à tour de rôle. Impossible de dissocier les combattants, seule une chevelure rousse ressortait de ce fouillis.

    - Moeira ! Est-ce toi ? 

Pour seule réponse une longue plainte retentit, puis un choc. La bête était maintenant venue se projeter près du corps endolori d’Elisabeth. Ma crinière rousse se posa au-dessus d’eux, couvrant le visage de la jeune enfant. Le parfum qui en émanait ne faisait aucun doute sur son porteur mais, en dehors de l’effluve, rien  ne ressemblait à la magnifique et belle femme qu’était sa nourrice.

Ramassant toute ses forces, elle ouvrit les paupières. La scène fut des plus insolites.

J’étais dans une posture inappropriée pour une dame,  avec une rage  et un visage qu’elle ne me connaissait pas. Sous ses yeux mi-clos je venais de tuer la bête à mains nues. Pire, penchée là dans la fourrure, prise de colère je la vidais de son sang. Un bruit de succion résonnait dans la prairie, qui avait perdu son soleil. La tête perdue dans le  poil du loup, je sentais mes yeux sanguins, mes traits devenir  sévères. J’étais devenue la bête.  Dans ma posture bestiale, salie par la bataille qui venait de se jouer, Elisabeth  ne me reconnaissait plus. Peut- être que périr dans la gueule du loup aurait été moins écœurant pour elle finalement. A ce même instant, une voix venue du ciel appelait Elisabeth. Elle reconnaissait le ton enjôleur. Trop tard, avait-elle pensé, sombrant dans les méandres de la nuit. Elle avait perdu connaissance.

thCA09GTVP

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  • La raison du coeur est tel toujours toujours la meilleure Il nous arrive tous à un tournant de notre vie de devoir faire un choix: le coeur ou la raison. (Reproduction interdite sans autorisation .)
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