Fermer les portes de son esprit.

Encore empreint des gémissements de Claire dans ma tête, j’appréhendais déjà d’être de nouveau dans l’enceinte du château. Kara ne me laissa même pas le temps de tergiverser et me conduisit directement sous la verrière.

    - Voilà, ici nous serons bien pour travailler, le mot sérénité a dû être employé à partir de ce lieu paisible. Viens allons-nous asseoir près du grand saule. 

Je me laissai guider, Kara me tirait sur le bras pour m’entraîner. Si quelqu’un nous avait vus ainsi, il se serait sûrement mépris sur nos intentions. Personne n’aurait voulu croire que nous venions travailler et non batifoler. A cet instant, je me demandai si Kara m’avait entraîné ici pour les bonnes raisons.

    -  Bon, arrête ce bruit incessant ; toutes tes questions me donnent mal à la tête. Elle s’assit au pied de l’arbre et me fit signe de prendre place en face d’elle.

    - Voilà, il te faut essayer de faire le vide et chercher les portes de ton esprit pour les fermer une à une.  Cela demande une grande maîtrise de soi et un cheminement intérieur qu’il te faudra travailler. 

    - Facile à dire ! 

    - Comment t’expliquer ? Imagine que tu es une maison. 

    - Une maison ? Me voilà bien. 

    - Cesse de faire l’enfant si tu ne veux pas travailler sérieusement je te laisse te débrouiller. 

    - Ok, Excuse-moi. D’accord, je t’écoute je suis une maison.  L’idée me fit sourire tellement je trouvais cela idiot.

    - Bien, pour ne pas écouter les voix, tu fermes les fenêtres une par une de ta maison. Commence par essayer de faire taire les voix les plus éloignées et au fur et à mesure les sons les plus proches. 

    - Mais ici il n’y a que nous ! 

    - Oui, mais pour l’instant je t’explique, ensuite tu t’exerceras. 

    - Ok ! Ok ! 

    - Bon, ça c’est pour faire taire les voix que tu entends. Tu peux aussi verrouiller ta conscience de la même façon pour que, par exemple, je ne lise pas tes pensées. Tu dois fermer les portes de ta maison. N’oublie pas, tu es une maison. Bon, à toi de jouer, ce n’est pas plus compliqué que cela, mais tu dois travailler régulièrement. Après, tu pourras gérer les deux en même temps et cela viendra naturellement.  Maintenant, ferme les yeux et essaie de fermer les portes pour que je ne lise pas tes pensées. Cherche en toi et bloque mon intrusion, ferme moi la porte au nez. Je fermai les yeux avec appréhension, allais-je y arriver ? Les explications de Kara ressemblaient un peu à l’ablution lorsque je m’invitais dans le corps de l’humain à la recherche de son âme. Je pouvais sûrement y arriver,  j’allais y travailler d’arrache-pied. Au bout de cinq minutes, je rouvris les yeux

    - Alors ? Tu as réussi.  A mon grand étonnement, Kara n’était plus là. J’étais seul, assis au milieu du jardin. Je cherchai ma camarade  du regard  autour de moi, mais rien, ni personne.

    - Merci ! Si tu m’entends et je suis sûr que tu m’entends … merci, mais tu aurais pu dire au revoir. Une voix tinta dans mon esprit.

    - De rien, tu me dois un dîner et nous avons rendez-vous dans la salle de l’assemblée, dans une heure, on repart sur terre. Tu devrais aller te préparer. 

Je me dirigeai immédiatement vers la porte de sortie, quand Gabrielle passa la porte accompagnée d’une toute jeune fille d’une douzaine d’années. Gabrielle eut d’abord l’air surprise et légèrement mal à l’aise, mais un magnifique sourire effaça les traits de cette impression de surprise.

    - Gabrielle ! Mon regard se posa sur l’enfant qui l’accompagnait. Je ne l’avais jamais vu et pourtant un sentiment commun me venait à l’esprit quand je la regardais.

    - Vas jouer ! J’arrive tout de suite. Gabrielle poussa l’enfant vers les buissons qui gardaient l’entrée et la petite fut hors de notre vue.

    - Qui est cette enfant, je ne l’ai jamais vue ? Pourtant… 

    - Il me semble que tu es attendu, tu ne devrais pas perdre de temps, prends soin de toi.  Elle me coupa la parole et m’ouvrit la porte, m’invitant à sortir.

    -  Oui, merci j’avais déjà presque oublié. Je passai la porte, me dirigeant vers mes appartements. Le comportement de Gabrielle était bizarre, mais je n’avais pas le temps de voir cela maintenant. Je devais vite me préparer et essayer de trouver le temps de m’entraîner.

Ce que je fis immédiatement. Je commençai par bloquer les pensées des gens rencontrés sur son chemin. Ce n’était pas sans difficulté, mais je commençais  déjà à comprendre ce que voulait dire Kara par fermer les fenêtres. D’ordinaire je n’y prêtais plus attention et j’avais appris à vivre avec. C’était même plutôt facile finalement. Arrivé dans ma chambre, je n’entendis aucune pensée, un grand silence régnait. Je m’affairai, soulagé, à préparer mon sac de voyage.