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Dévotion
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Dévotion
30 mai 2012

Mille creek.

      J’avais rejoint les grottes de Mille creek et le petit groupe de vampires qui vivait sur place. Je fus très étonné de voir que chacun d’eux vivait là comme si ce lieu était juste une étape sur un voyage. Sauf que dans leur cas, l’étape avait déjà duré des lunes. Ils survivaient là, tels des hommes préhistoriques, pas plus évolués, pas moins organisés. J’étais déçu et en colère de voir qu’aucun d’eux n’avait su tirer partie de ce que je leur avais offert. Je découvris une bande de vampires attardés et c’était dangereux pour mes projets futurs.  Pourtant, je trouvai immédiatement la possibilité de tirer profit de la situation. Il était inutile de transformer de nouveaux humains pour servir d’appât, j’avais sous les yeux et déjà sur le lieu-dit une équipe d’imbéciles toute trouvée. Dans les méandres des tunnels de charbon, des corps en décomposition dégageaient une odeur nauséabonde. Cette vision pathétique et détestable même pour moi me donnait envie de supprimer chacun d’eux. Est-ce que les autres groupes étaient aussi peu regardants. Au détour d’une nouvelle galerie qui renvoyait vers l’extérieur, une voix m’interpella.

       - Que nous vaut l’honneur de votre visite ? 

Un jeune homme d’une vingtaine d’années  se tenait là, adossé sur la pierre, à l’ombre du soleil. Il m’avait adressé la parole sans même me regarder. Son teint blafard et son corps longiligne ne faisaient aucun doute sur sa malnutrition.

      - Le fruit du hasard, et je ne sais pas dire si je suis déçu ou heureux de voir ce gâchis. 

      - Il est un peu tard pour se poser des questions ! 

      - Tu es le responsable de ce groupe ? 

      - Fort heureusement non, vous avez désigné un idiot qui s’appelait Henri, je crois. 

      - S’appelait dis-tu ? 

     - Oui, il est sûrement mort ou en fuite, ça fait des nuits qu’il n’est pas revenu. 

     - Vous l’avez cherché ? 

     - Pourquoi faire ? Je suis encore ici parce que je ne sais pas où aller, les quatre autres sont incontrôlables et je préfère m’éloigner d’eux. Ils vont bientôt finir par s’entretuer ou s’en prendre à moi. Je me fais oublier, c’est mieux ainsi. 

Il avait l’air différent, je pouvais sentir dans sa voix qu’il n’était pas au mieux de sa forme, même dans la pénombre je percevais le rouge laiteux de ses yeux, annonçant le manque de sang. Malgré le lieu dégoûtant, il était seulement poussiéreux mais habillé avec goût pour une personne de son époque vivant dans des conditions insalubres.

       -  Depuis combien de temps n’as-tu pas mangé ? 

Le jeune se mit à tousser et ses jambes se dérobèrent sous le poids de son corps fragile.

      - La vraie question est : Est-ce que je n’ai pas poussé l’expérience un peu trop loin ? 

     -  Quelle expérience ?  Je pris une position confortable pour écouter ce jeune homme que je trouvais plutôt particulier.

     - Ne le prenez pas mal, mais je suis là à chercher une autre alternative suivant vos conseils.

     -  Intéressant, je te prie de développer.

     - Je n’avais pas une belle vie avant. Néanmoins, j’avais des principes et des valeurs, maintenant je n’ai plus rien.  Je m’assis pour ne pas l’effrayer. Dans les couloirs de ce purgatoire j’avais peut-être trouvé une pépite. Ce garçon m’intriguait.

     - Comment t’appelles-tu ? Questionnais-je.

     - Vincent, pour vous desservir. Recroquevillé sur lui-même, il mimait une révérence. Il avait de l’audace, du sarcasme. Je l’adorais déjà. 

    - Vingt- sang plutôt ironique je trouve ? 

    - Dommage que cela ne fasse sourire que vous-même mais je comprends le double sens, malheureusement je n’ai plus de force même pour l’humour ou le second degré.

      -  Pourquoi es-tu si faible ? Tu ne peux pas décider d’arrêter de te nourrir, tu mourras  irrémédiablement

     - Je fais des expériences et je suis mon propre patient. J’ai cessé de me nourrir. La soif et la douleur que cela me cause sont tellement fortes qu’elles me clouent au sol ; cependant, pour la première fois, j’ai l’impression d’être vivant. Je crois que je commence à apprivoiser la brûlure dans ma gorge et l’envie de sang humain. Je suis comme drogué de ce manque et bien entendu affaibli, mais c’est un procédé très intéressant. Tel un jeûne, cela me permet de prendre conscience de chaque partie de mon corps et de concentrer ma soif sur autre chose. Je commence par ma gorge et à demi comateux par la souffrance, je m’en éloigne peu à peu. Une fois que j ai fait le tour de moi-même, je laisse mon esprit vagabonder vers l’extérieur. La forêt dans son ensemble et ensuite les arbres, un arbre, une branche, une feuille. Tout est là prêt à être bu, je le traque en pensée de la même façon que je m’échappe de mon mal. Je chasse le gibier, je le capte dans son ensemble et je réduis mon champ sur son cœur, ce qui me donne de nouveau de l’appétit et fait de l’animal que j ai en horreur mon mets favori. Je sais, c’est écœurant et je dois vous sembler bien singulier, voire fou. Mais, je trouve cette alternative moins dérogeante à mes principes. Et comme je n’ai rien à faire d’autre, eh bien je suis mon propre sujet d’étude et je dois dire que je me maîtrise pratiquement, ce qui à ce jour me rend  presque fier et m’aide à tenir.

J’étais stupéfait ; ce Vincent plairait à Moeira sans conteste. Je trouvais cela dingue, pourtant il méritait d’être entendu et d’être surveillé. Si j’avais été l’ange  d’autrefois, j’aurais aimé suivre ce personnage atypique durant sept vies. Les conditions étaient bien différentes mais néanmoins je n’allais pas le laisser mourir, ni errer à la dérive. Je le voulais à mes côtés. Son visage ne me disait rien, je ne me souvenais même pas pourquoi je l’avais choisi et transformé. Il me faudrait le questionner pour que je retrouve un indice peut-être.

        - Ouah, je ne pensais pas trouver un maître penseur caché au fond d’un terrier. 

        - Maître penseur, je pense que vous me portez bien trop d’honneur. Le souci c’est que j’ai trop poussé l’expérience et qu’actuellement je n’ai plus la force de me déplacer pour chasser, alors je me disais avant que vous arriviez, que si je me laissais rouler sous les rayons chauds du soleil tout  serait terminé et fin de l’histoire. 

Une nouvelle quinte de toux résonna, j’étais déjà en train d’écumer la forêt à la recherche du plus gros animal que je pourrais trouver, il était hors de question de perdre Vincent. Dans ma course effrénée, j’arrachai au sol deux sangliers en pleine course que je saignai d’un coup de dent, suffisamment pour que mon jeune protégé ait juste à se pencher pour étancher sa soif. Le soleil commençait à décliner dans le ciel quand mon nouvel ami fut repu.

       -  Merci, je vous ai peut-être mal jugé. Il me présenta sa main, tandis qu’avec le revers de l’autre il s’essuyait la bouche. Sur son poignet tendu, je remarquai la cicatrice indélébile, ma signature,  qui faisait de lui un des miens le jour de sa transformation.

       -  De rien, la lumière est en déclin ; tu peux à présent sortir sans crainte. On part d’ici, je t’emmène avec moi sur le champ.

      - Et les autres ? demanda-t-il d’un ton abrupt.

      - J’ai d’autres projets pour eux, leurs problèmes m’ont apporté des solutions,  tout va bientôt rentrer dans l’ordre pour eux aussi. 

Je quittai Mille creek avec Vincent. Je ne savais pas très bien ce que j’allais en faire, il était différent mais semblait cultivé, ce qui était plutôt rare à notre époque. Evidemment, en tant que guerrier il ne valait sûrement pas grand-chose, surtout avec son régime alimentaire. Toutefois, je me disais que je lui préférais cette différence, quand je repensais aux quatre autres erreurs de la nature que je laissais derrière moi à leur mauvais sort et que j’avais moi-même engendrées. Il ne faisait aucun doute qu’elles attireraient dans très peu de temps les anges et que nous ferions d’une pierre deux coups. Je laisserai le soin à Paul et Rodrigue de surveiller les alentours, afin d’en apprendre un peu plus sur les nouvelles méthodes angéliques.

De mon côté, j’avais hâte de présenter le petit à Moeira, voir notre nouvelle maison et redécouvrir Elisabeth qui avait sûrement encore changé. Vincent pourrait divertir un peu les filles, leur laisser une présence me permettrait d’être plus tranquille. J’étais convaincu qu’il serait un bon élément et je n’avais aucune crainte à sa retenue pour le sang humain, ce qui était un avantage extrême lorsque l’on vit au milieu d’eux. Pour autant, je devais suivre des étapes ; je le cacherai d’abord dans notre ancienne demeure. Je voulais parcourir les troupes et voir s’il était unique en son genre. Je voulais m’assurer jusqu’à quel point il maîtrisait sa soif avant de l’envoyer près des miens. Je voyais déjà Moeira folle de joie par cette nouveauté.

     -  Moeira, mon tendre amour ! J’avais plus que hâte de la serrer dans mes bras.

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