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Dévotion
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Dévotion
21 mai 2012

L'ablution.

- La pratique de l’ablution consiste à extraire l’âme de l’humain en l’aspirant. Ce n’est bien sûr pas douloureux pour la personne et très agréable pour nous qui la recevons. C’est doux et chaud. Nous allons en faire deux aujourd’hui. Je vais faire la première et ensuite ça sera ton tour de procéder. 

Avant de descendre sur terre, j’avais confié à Claire son collier d’ange, c’était la consigne : personne sur terre sans son bijou. Je lui expliquai  son fonctionnement, mais je  me gardai bien de lui révéler la difficulté de la première incrustation des ailes dans la chair.

Arrivés à plusieurs sentiers de la ville où se trouvait la première âme à récupérer, j’appris à ma novice les rudiments et les précautions à adopter maintenant.

     - Normalement, je vais directement au domicile. La nuit me permet de me dissimuler. Mais à présent, plus question de prendre de risque et pour cela, nous possédons à présent ce collier un peu particulier. 

     - Et à quoi sert ce sac ?  Je lui montrais le magnifique bijou et tout ce qui l’intéressait c’était le sac ! Quand je vous dis que Claire est une fille spéciale.

     -  Viens, cachons-nous derrière cette grange. Avant de partir du ciel, il te faudra déjà trouver un point de chute où tu pourras aisément te changer. Ta charge ne s’arrête pas à l’ablution, comme tu as pu le lire dans les guides à la bibliothèque.

     - Pourquoi je dois me changer ? 

     - C’est juste une question pratique, regarde. 

J’ôtai ma chemise et me postai devant Claire. Je savais déjà que cette scène était très intime et qu’il me fallait rester concentré. Ayant toute son attention, je pressai sur la pierre au centre de mon pendentif. Un craquement d’os fendit le silence et sous les yeux écarquillés de mon équipière, les ailes s’incrustèrent sur ma peau. Devant ses yeux ébahis, je fis un tour sur moi-même pour lui faire admirer le résultat. Sur mon dos sculptural, de grandes ailes brillantes partaient de mes omoplates jusqu’à la chute de mes reins. Claire fit un pas hésitant vers moi et caressa du bout des doigts le tatouage luisant. Je fermai les yeux pour mettre en mémoire ces quelques secondes interdites mais je me ravisai et ouvris le sac pour en sortir des habits de ville.

     - Dans ton sac, tu trouveras des vêtements pour te changer après la transformation. Je te conseille d’enlever le haut pour ne pas l’abîmer. La première modification est incandescente, rassure-toi je me tournerai. 

     - Tu n’as pas besoin de détourner le regard, je pense que l’on a déjà passé cette étape et puis ce n’est pas comme si nous allions nous jeter l’un sur l’autre. 

« Parle pour toi » pensais-je. Je m’imaginais très bien perdre le contrôle de nouveau, goûter encore et encore sa peau, l’allonger là, dans le foin de la grange, et me perdre au plus profond d’elle. 

«Stop ! Il faut que j’arrête mes idioties. » Ma passion pour cette femme était un véritable poisson dans mon corps, m’en détacher était un défi de chaque instant.

Claire confiante venait de faire glisser sa toge le long de ses bras frêles. D’un sourire satisfait, elle pressa la pierre précieuse à son tour. Comme pour chaque première transgression du corps d’ange en semi humain, Claire hurla le temps que la braise du tatouage se stabilise. La couleur rouge incandescente passa au doré chatoyant.

    - Ca va passer, rassure-toi, c’est juste la première fois. Les passages suivants d’un état à l’autre ne sont plus si désagréables. 

    - Tu aurais pu me prévenir ! Ça fait un mal de chien, j’ai cru que mes os étaient écartelés et qu’ensuite j’étais brûlée vive !  Claire était au sol, haletante.

    - Je ne voulais pas t’effrayer, je suis désolé.  Je tendais devant mes yeux, à bout de bras, pour cacher son corps ingénu, un haut pour qu’elle se couvre rapidement.

    - Dépêchons-nous, tes cris auront peut-être alerté quelqu’un.  J’avais ramassé à toute vitesse nos affaires, essayant de chasser mes pulsions indécentes.

    -  En route pour la ville ! Il faut que tu saches qu’à présent privés de nos ailes, nous avons les mêmes besoins humains, faim, soif, repos. Par conséquent, il est préférable de ne pas rester longtemps dans cette condition car nous sommes plus vulnérables, même si nos pouvoirs restent intacts.

    - Je trouve cela contrariant d’avoir attendu tant de vies pour être un ange et maintenant que j’en suis un, de ne pas pouvoir complètement en profiter. 

    - Etre un ange ne tient pas qu’à une paire d’ailes, Claire ! Elle avait haussé les épaules, pour montrer son désaccord.

L’obscurité avait drapé la ville. Les anges noirs n’intervenaient qu’une fois que la nuit était tombée et que les gens dormaient. L’élu habitait dans un petit immeuble et c’était la fin de son cinquième cycle. Nous pénétrâmes dans l’appartement, puis dans la chambre.

    - Regarde-moi faire.  Lui dis-je à mi voix.

Je m’approchai du lit. J’avais de nouveau pressé la pierre qui fit aussitôt ressortir mes ailes. L’ablution ne pouvait se faire qu’en étant un ange complet. J’attrapai le visage de l’humain, entrouvris sa bouche et je me penchai à l’entrée de celle-ci. Une petite fumée bleue sortit de la mienne  et rentra à l’intérieur de mon élu. Au bout de quelques minutes, le filet de fumée ressortit à son tour en direction de mes lèvres mais la couleur bleutée était plus intense. On aurait dit un spectre de pierre de lune. Mon corps était empli du bien être de l’âme de mon protégé. Je fis un pas en retrait, le corps se transforma en poussière instantanément. La prunelle de mes yeux venait de prendre une belle couleur azur.  Le bleu hypnotique de mon regard était envoutant et malgré la pénombre, Claire était absorbée par le soudain magnétisme qu’il provoquait. L’âme transpirait par tous les pores de ma peau, je me sentais tout puissant.

    - Il nous faut de suite la remonter au ciel et la mettre dans le berceau pour la faire renaitre. 

    - Je dois me déshabiller de nouveau ? J’éclatai de rire.

    - Non, on n’a pas le temps. Peut-être la prochaine fois !  Et je lui fis un clin d’œil. Claire appuya sur son collier, les ailes déchirèrent le tissu de son haut.

    - C’est malin, j’aurais dû remettre ma toge finalement. 

    - Quand je ne serai plus aux premières loges du spectacle délicieux de ta nudité, tu feras comme bon te semble. 

J’ouvris la fenêtre et nous regagnâmes le ciel.

Nous nous rendîmes directement dans la salle du conseil, au bassin des thermes appelé aussi le berceau car c’était là où l’on donnait les pouvoirs aux élus et aussi là que l’âme était soufflée pour renaître sur terre. Ce berceau était le trait d’union magique entre les deux mondes.

Il y avait déjà plusieurs anges noirs sur les lieux, penchés sur le liquide argenté qui remplissait le bassin, renvoyant leurs âmes tour à tour, dans le berceau.

Un des anges de la mort adressa un sourire appuyé en direction de Claire.

Ce que je remarquai immédiatement en me relevant. Les yeux dans les yeux je lui postai, à bon entendeur, dans son esprit : « Je te conseille de regarder ailleurs  et de ne même pas l’envisager un instant. » L’effronté haussa les épaules.

     - Dommage, tant pis pour moi.  Et il disparut.

Claire me fit une moue innocente devant mon regard accusateur. Mes pupilles retrouvaient leur couleur originelle, maintenant que l’âme était ressortie.

     - Je n’ai rien fait. 

     - Je sais, c’est juste toi, tu dégages quelque chose qui plaît aux anges, espèce d’ensorceleuse. Allez viens on doit redescendre,  c’est ton tour. 

La deuxième aurait lieu dans une maison cossue. Je m’infiltrai par une des fenêtres du premier étage.

    - Poste-toi sur la fenêtre la plus à l’est, je viens t’ouvrir.

Au bout d’un instant, j’ouvris une plus petite fenêtre à l’endroit indiqué.

    - C’est une chambre de bonne ? 

    - Oui, nous sommes là pour cette femme, c’est son premier cycle, Elle a une qualité d’âme exceptionnelle, hélas ses bourreaux ne la méritent pas. Sa vie n’est que méprise, ordre, travail et solitude. Pourtant elle essaie toujours de rester positive et souriante. Je l’ai choisie exprès pour toi, tu sauras la faire évoluer dans sa prochaine vie, et lui donner un autre destin. 

    - Je suis très honorée. Quelle prédisposition lui as-tu donnée ? 

    - Le don des sciences. Mais je te laisse le choix de la spécification. 

    - Je la vois déjà dans la médecine. 

    - C’est peu être un peu avant-gardiste, mais il faut bien un début à tout.

Rien ne pourrait la faire revenir sur son choix, elle ferait de cette servante un médecin à n’en pas douter.

    - L’ablution requiert une grande concentration, tu vas voir. Une fois que ton flux d’ablution la pénètre, cherche son âme. Ce fil conducteur est tel un détecteur de confiance, ensuite tu l’enveloppes tranquillement, tu  la saisis et l’extrais tout doucement, par aspiration. 

    - Oh je ne sais pas si j’en serai capable et si je rate ? 

    -  Je suis là, tout va bien se passer. Assieds-toi près d’elle, approche-toi de sa bouche. Tu sens le point de chaleur dans ton ventre qui monte ?

    - Oui, il grandit. 

    - Très bien, tu vas l’expirer dans la bouche de l’élue, dès que tu sens que tu ne peux plus le contenir. 

Je souriais, tout se passait parfaitement. Claire était très douée, comme pour tout d’ailleurs. Je n’ai jamais douté un instant qu’elle y arriverait. Je l’avais choisie dans d’autres vies et c’était maintenant son tour ; cela me paraissait irréel. Et je voyais dans cette évolution une boucle qui se bouclait.

La voir ainsi penchée, me faisait remonter des souvenirs du temps où je procédais sur elle, en abusant largement de son sommeil pour poser mes lèvres sur les siennes. J’aurais été prêt à donner mon éternité pour être allongé là, sous Claire et rentrer de nouveau dans son corps.

    -  Parfait. Ecarte-toi, l’enveloppe charnelle repart à la poussière, dès que l’âme s’en est échappée. Claire s’écarta, et comme à chaque fois, le corps e transforma en une fine poussière qui disparaîtrait sans laisser de trace d’ici quelques minutes.

    - Il en a été de même pour moi ? Horrifié.

    - Oui, pour tout le monde c’est ainsi.

    - Je ne voyais pas ça comme cela c’est bizarre.

    - Et comment t’imaginais-tu la chose.

    - Je ne sais pas, plus romantique je crois. Je trouvais cette réplique inappropriée, mais je ne dis rien.

    - Tes yeux sont  maintenant d’une magnifique couleur de vie, signe que l’âme est bien en toi. Comment te sens-tu ?  Elle était déjà magnifique mais avec ses yeux là elle était le romantisme même. Une arme de pureté, une ensorceleuse de premier ordre.

    - Je me sens très légère et euphorique, c’est un mélange planant de bien-être et d’excitation. C’est l’extase, j’aimerais me sentir toujours comme ça.  Claire tournoyait de bonheur.

   - Oui, c’est un état qui ressemble à rien d’autre ou presque. Je repensais à notre nuit partagée, l’extase à présent pour moi c’était ce que j’avais ressenti cette nuit là. Je chassais vite cette idée.

   - C’est vrai, presque, c’est le même sentiment que j’ai éprouvé cette fameuse nuit où nous deux...

   - Stop Claire, je t’arrête tout de suite. Je ne peux pas recommencer à perdre l’essence de mon semblant de stabilité. Je fais mon deuil chaque jour de cet amour à sens unique. Tu dois me fermer la porte sans retour possible, tu n’es pas pour moi et je le sais. Rien que d’évoquer cela me rend fou d’envie et je suis encore moi-même sous l’effet de la première ablution, alors évitons ce genre de souvenir, s’il te plait ! 

   - Je m’excuse, je ne savais pas que c’était encore si difficile pour toi. Même si j’en suis flattée, je me rends compte combien cela doit être pénible de devoir faire équipe avec moi et je t’en suis infiniment reconnaissante et pour toujours. Je veux que tu saches que je suis vraiment désolée, mais pour autant je ne regrette rien. 

    - Oui, mais si c’était à refaire avec ce que l’on sait maintenant, je pense que nous serions moins égoïstes. Il est temps de remonter pour ne pas altérer l’esprit. Cette sensation va rester en toi durant quelques heures  après son expulsion dans le berceau. Je te conseille de mettre à profit ce bonheur, il est temps de voir à quoi sert le lit. 

Claire ouvrit ses grands yeux, couleur pierre de lune, d’un air interrogateur.

    - Evidemment, je ne suis pas concerné quand je dis ça. Samuel se languit de ton retour. Demain il te faudra  suivre la nouvelle naissance de ton âme dans un nouvel hôte humain. Pour ma part, je n’ai plus rien à t’apprendre. 

    - Mais, nous devions travailler ensemble jusqu’à la fin de la semaine. 

    - Je sais mais j’ai beaucoup de travail et tu es prête. La vérité c’est que c’était au dessus de mes forces, rester prés d’elle me faisais trop mal, il fallait vite que je m’en éloigne, elle ravageait mon cœur et mon être à chaque battement de cils. Chaque sourire ouvrait la plaie béante de ma poitrine, me rappelant qu’elle n’était pas pour moi.

Sur ces derniers mots, nous quittâmes les lieux pour remonter au berceau. Je ne pouvais pas lui dire délibérément que d’être à ses cotés me faisait trop mal ; que mon corps en sa présence devenait démoniaque et que des idées folles me hantaient à chaque fois que je posais mon regard sur sa nuque, sa bouche, ses reins. Tout était merveilleux en elle, Claire était exceptionnelle. Elle n’était pas pour moi mais, quelle joie de l’avoir connue. Elle m’avait donné  ce que le ciel n’aurait jamais été capable de m’offrir : Une fille, un lien unique qui nous unissait pour toujours. Il était temps de prendre mes responsabilités, m’éloigner de la tentation et retrouver le fruit de notre union interdite.

Partir loin, ne plus la voir et l’oublier. La cicatrisation se ferait avec le temps et du temps j’en avais à revendre.

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