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Dévotion
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Dévotion
5 mai 2012

Chapitre VI. Dialogue à coeur ouvert.

Direction la bibliothèque, j’étais impatient et anxieux de revoir Claire. J’accélérai le pas, de peur qu’elle ne soit plus là à mon arrivée. Devoir parcourir le château ne m’enchantait guère, n’étant pas d’humeur aux politesses ou à parler avec quiconque qui n’était pas étroitement concerné par mes affaires.

Heureusement, les couloirs étaient plutôt calmes. Tout le monde surveillait de très près ses élus. Des réunions s’enchaînaient dans les salles. Les nouveaux anges étaient en apprentissage accéléré afin d’être le plus vite possible sur le terrain.

La bibliothèque du ciel n’était pas du tout le lieu lugubre et poussiéreux que l’on pouvait s’attendre à voir. C’était une vaste pièce baignée d’une lumière naturelle, qui rentrait par la grande baie vitrée avec vue sur les nuages. Ce lieu confortable comptait une vingtaine de bureaux au centre dont deux étaient actuellement occupés. Tout autour, de grandes allées donnaient accès à des rangées de livres  alignés du sol au plafond, par catégorie. Chaque rayonnage avait son échelle pour accéder tout en haut. Au milieu des allées, des duos de fauteuil se faisaient face devant une table basse. Claire était assise, seule, sur l’un d’eux, dans la section histoire des anges. Avant de m’approcher, j’avais scanné mentalement les alentours. A l’exception des deux jeunes premiers anges, qui travaillaient sur le bureau à l’entrée, nous étions seuls.

Je m’assis en face d’elle.  Elle était tellement absorbée par sa lecture, qu’elle n’avait même pas pris conscience de ma présence.

     -  Alors, tu trouves ce que tu cherches ? 

Claire leva les yeux, un grand sourire illumina la douceur de son visage.

     -  Tu t’es enfin décidé à te montrer ? 

     -  Tu m’as cherché ! 

     - Non pas vraiment, mais je me demandais où tu étais passé et si je te reverrais un jour. Le château est si grand, il doit être aisé d’éviter quelqu’un si on le souhaite. 

     - Je ne t’évite pas, j’ai été envoyé en mission. 

     -  C’est ce que m’a dit Samuel mais j’avoue avoir eu un doute.

     - Claire, arrêtons ce petit jeu, il faut que nous parlions franchement. 

     - Ok mais pas ici, j’ai besoin d’air. 

Claire remit le livre à sa place. Elle me fit signe de la suivre.

Elle emprunta l’escalier et monta à l’étage au-dessus. Elle s’engagea dans un corridor blanc immaculé, rehaussé par les portraits des anges noirs les plus légendaires. Elle s’arrêta devant une porte portant son prénom. Je sais, cela peut paraître très enfantin d’avoir son prénom sur une porte, mais ici haut c’est ainsi. Elle pénétra dans la pièce la première et invita son suiveur à entrer.

      - Dépêche-toi, je n’ai pas envie d’alimenter davantage les conversations. 

Je me faufilai dans l’entrebâillement de la porte. Tous les appartements étaient similaires, seules des petites touches personnelles différenciaient les lieux. Mais Claire était nouvellement arrivée, l’endroit était encore neutre. Une chambre, un petit salon, une salle de bains, toutes les nuances de blanc étaient représentées. C’était vaporeux, douillet, éblouissant de lumière.

      -  Tu as le droit de changer la décoration, des anges sont dédiés à cette tâche tu sais ? 

      -  Samuel me l’a dit, mais je n’ai pas encore eu le temps de m’en préoccuper et puis je passe si peu de temps ici. Vu que nous ne dormons pas, je m’étonne même qu’il y ait un lit.

      - C’est juste, histoire de se sentir chez soi, tu remarqueras qu’ils n’ont pas poussé le mimétisme jusqu’à la cuisine.

      -  Heureusement, on ne mange pas, ça ne servirait à rien ! 

      - Oui et pour ce qui est du lit, tu lui trouveras une utilité tôt ou tard. 

      - J’en doute, hélas. Je ne sais pas si tu as remarqué, mes ailes sont noires. Et je sais par conséquent, que je ne peux pas être officiellement avec Samuel.

      -  Pour le moment ; c’est une question de temps. Mais ici tu es chez toi et tu fais ce que tu veux, à bon entendeur. Les nouveaux anges trouvent souvent rassurant d’avoir un logement proche de ce qu’ils ont connu autrefois. Personnellement j’aime m’allongé dessus pour lire.

Elle se mit à rougir, un ange ne rougit plus normalement, comment était-ce possible. J’avais envie du lui caresser la joue pour vérifier la chaleur de son fard mais, je pris soin de mettre mes deux mains dans mon dos.

     - Je ne savais pas que la couleur donnait une appartenance particulière. 

     -  Certains disent que c’est pourtant un choix personnel enfoui, mais plusieurs choses rentrent en ligne de compte : les actes terrestres et la destinée future. Cette couleur te va très bien et sois fière de la porter. Le travail qui t’incombe est bien plus gratifiant et important, crois-moi.

      - Tu as sans doute raison. Elle haussa les épaules comme si finalement la couleur avait peu d’importance car, le résultat était là.

     - Bien sûr que j’ai raison et puis ça nous fait au moins un point commun, que personne ne peut nous enlever. Mon ange blond baissa les yeux, gênée.

     - Pardon, je n’aurais pas dû dire cela. 

Claire s’assit dans un petit fauteuil devant la fenêtre, elle regardait au loin par-delà les nuages.

     - En fait, nous aurions pu partager bien plus qu’une couleur, mais je pense que nous n’en avions pas le droit.  Des larmes perlaient maintenant sur son visage.

     - Claire, je suis venu m’entretenir avec toi à ce sujet. 

     - Que veux-tu que je te dise, je porte les stigmates invisibles d’un petit être que l’on m’a arraché. Je l’entends encore me parler. Ses derniers mots raisonnent en boucle dans ma tête. 

     - Il te parle ? Je rêvais d’un lien mère fille pour la retrouver.

     - Non, il me parlait.  Tu vas penser que je suis folle, mais lorsque c’est arrivé, une petite voix me disait qu’elle m’aimait et qu’il était trop tard. Elle s’excusait de ne pas m’avoir prévenue avant. Elle disait qu’elle aimait m’écouter penser et qu’elle ne m’oublierait jamais.  Sanglota Claire.

Je m’agenouillai devant elle. J’aurais aimé lui prendre la main, la prendre dans mes bras et la réconforter, mais la bienséance ne me l’autorisait point. Je devais faire preuve de retenue. Je préférais  manquer d’elle à jamais que de vivre dans la douleur de mon frère.

Je me suis adressé à ma belle à voix basse, comme on parle à un enfant.

     - Le bébé savait ce qui allait arriver,  c’est extraordinaire de voir déjà tant de pouvoir dans un si petit être. 

     - Comment se fait-il que je sois tombée enceinte ? Voilà une semaine que je cherche dans les livres une réponse. Mais il n’y a rien. 

     - Tu ne trouveras rien Claire, c’est sans précédent, personne n’explique ça. C’est un vrai mystère. 

    - J’ai essayé de le haïr, j’ai cru que c’était une punition. Mais à force d’entendre cette petite voix dans ma tête, les barrières sont tombées. J’ai cru devenir folle et puis je l’ai senti bouger dans mon ventre, sous mes mains. Je ne comprenais pas comment je pouvais être enceinte. Je pensais être possédée. Je dois bien admettre que je refuse toujours d’y croire.

Sans y prêter attention, je me tenais debout derrière elle, je lui caressais les cheveux.

     - Je n’ai pas su le protéger. Elle s’était retournée et elle pleurait maintenant le visage collé à moi.  Malgré son chagrin, mon désir pour elle grandissait à chaque contact physique. Notre nuit de perdition ne sera jamais mentionnée comme si le bébé était le seul délit inavouable. Mais comment en suis-je arrivé là ? Pourquoi était-elle dans mes bras. Si quelqu’un rentrait à cet instant, nul doute que notre position serait équivoque. J’imaginais déjà la tête de Samuel. Je me dégageai doucement, allant chercher de quoi essuyer ses larmes.

     - Tu sais qu’un ange n’est pas censé pleurer.

     -  Eh bien, je dois être une aussi bonne mère qu’un ange alors. 

     - S’il te plait, sèche tes yeux. Le bébé est en vie, mais nous ne savons pas encore pour combien de temps ni pourquoi. Et je pense le contraire, tu es un ange aussi parfait que tu seras une bonne mère.

La jeune femme en peine venait de passer de la retenue à l’hystérie.

     - Quoi ! Il est en vie ? Comment le sais-tu ? Où est-il ? Comment va-t-il ? Pourquoi personne ne m’a rien dit ? 

     - Chut ! ! Calme-toi, je vais essayer de répondre à toutes tes questions.

D’abord c’est une petite fille, qui semble avoir déjà hérité de mon don de télépathie en version améliorée, bien sûr !

     - Une fille, chuchota Claire sous le choc.  Je vis au fond de ses yeux l’inquiétude d’une mère en devenir.

      - Je sais qu’elle est en vie, car Gabrielle arrive parfois à se connecter avec elle. Pour tout te révéler, Gabrielle avait eu une prémonition d’une naissance à venir, déterminante pour l’avenir. Voilà comment je le sais. 

 Où est-elle ? On n’en sait rien encore, les investigations sur terre n’ont pas donné grand-chose. Mais Artus devrait bientôt rentrer. Il semble qu’il ait trouvé d’avantage d’informations.

Et enfin personne ne t’a rien dit, car tu n’as rien dit à personne. On ne savait pas si tu te rappellerais. »

     - Comment aurais-je pu oublier ? 

     - Claire, tout autant que ta fille, tu es différente. Pour rappel, un ange ne renaît pas avec sa mémoire terrestre, ou parfois partiellement. De plus, peu d’élus reviennent à totale maturité. Un ange ne pleure pas et surtout ne souffre pas. Aucun ange ne sait comment il s’appelle quand il sort de l’incubateur, nous sommes censés le rebaptiser. Je ne reviendrai pas sur ton plumage. 

     - C’est notre fille. Me rappela-telle comme un sermon.

     - Oui, excuse moi, j’ai encore beaucoup de mal avec ça. Mais je mettrai ma vie en jeu pour la retrouver même si cela doit prendre des années, je t’en fais la promesse. 

Je lisais un peu d’espoir dans le regard de Claire, je devais lui demander de me laisser voir.

     - Voilà ce que nous allons faire. Dans un premier temps tu vas m’expliquer ce dont tu te rappelles du dernier jour.

     - C’est très pénible pour moi, j’essaie de chasser ces images de ma mémoire mais je n’y parviens pas.  Après plusieurs  supplications, Claire  me raconta  son souvenir et je visualisais la scène de tout ce que la pauvre avait vécu. Je voyais l’intrus pénétrer dans la pièce, le vampire.  Je pouvais ressentir son souffle en mémoire. Sa tenue était particulièrement grossière. Un torse nu supportait une veste sans manche, ouverte, qui semblait avoir subi les ravages du temps. Il avançait vers sa proie doucement, le bruit de ses grosses bottes noires faisant grincer le plancher sous ses pas. Il portait un pantalon foncé et autour de son cou de grosses chaînes en argent. Ses longs cheveux noirs retombaient sur son visage, mais malgré cela, on percevait deux orbites couleur rubis derrière sa frange. Je ne voulais pas voir ce qui allait se passer mais chaque détail pouvait être un indice.

      - Merci Claire ;  je suis désolé de t’avoir demandé de revivre cela, mais c’était indispensable pour essayer d’avoir de nouveaux éléments de départ. 

      - Je sais. En fait bizarrement ça me fait du bien de le faire partager. Que vas-tu faire maintenant ? 

     - Je veux m’entretenir avec Clotaire, afin que Samuel et toi travailliez ensemble. Je vais être très occupé et je ne pourrai donc pas reprendre du service de suite. Il n’est pas facile de changer d’équipier, mais dans ton cas le problème ne se pose pas. C’est pour cela que je suis certain d’avoir un avis favorable. Vous travaillerez  conjointement et tu reprendras mes élus en cours. Je trouverai le temps de t’encadrer au début. J’en ai déjà parlé avec Samuel. Bien entendu  je dois m’assurer que cela te convienne. 

     - C’est évident, c’est un honneur et une chance que je ne peux pas décliner. Merci pour tout Satya.  A cet instant, encore absorbé par ses pensées, je recevais ses impressions. Claire aimait ne pas pouvoir m’aimer et faire la différence entre mon frère et moi. Au ciel c’était différent, son cœur dissociait les jumeaux. Il restait seulement une tendresse particulière pour moi et je prenais cette vérité de plein fouet à la lumière de son regard.

     - J’essaierai de t’avoir un entretien avec Gabrielle, mais tant que je ne te donne pas le feu vert, je te conjure de rester à ta place. Nous donnons dans l’inédit et nous ne savons pas si les unificateurs nous laisseront dans la course. Alors, profil bas, discrétion et respect des consignes. 

     - Compte sur moi. Et pour notre enfant? Questionna-t-elle.

     - Je reviens vers toi dès que je suis en mesure de te donner des nouvelles concrètes. Je ne sais  jusqu’à quel point son pouvoir s’étend, mais prie, parle lui et continue d’y croire. 

Les larmes se répandaient de nouveau.

     - Je vais ajouter à ma liste : trouver un ange qui canalise les émotions ; je pense que quelques séances te seront bien utiles. Je dois y aller. 

J’avais fait un pas vers elle, prêt à lui déposer un baiser sur le front. Puis je me repris juste à temps, je fis demi-tour et en un battement d’aile je disparus de la pièce. Au détour d’un couloir, je captai l’esprit de Samuel qui faisait semblant d’être occupé, à quelques pas de là.

« Je suis sorti, je file voir Clotaire, merci, et à l’occasion apprends lui à se servir du lit. »

Je sentais à l’intérieur de moi que mon frère était rassuré, mais il ne répondit rien. Je devinais un léger sourire sur ma dernière phrase.

 

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  • La raison du coeur est tel toujours toujours la meilleure Il nous arrive tous à un tournant de notre vie de devoir faire un choix: le coeur ou la raison. (Reproduction interdite sans autorisation .)
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