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Dévotion
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Dévotion
5 mai 2012

L'être précieux.

De retour à la maison.

    J’avais pris le temps de cueillir en chemin un bouquet de roses sauvages, à l’orée du bois. Devant la bâtisse, je m’arrangeai un peu. Je fus étonné de ne pas voir Moeira sur le bas de la porte pour m’accueillir. D’ordinaire, dès mon arrivée près de notre territoire, je la sentais impatiente, faisant les cent pas.

Je restai quelques instants devant la porte, cherchant un bruit, une odeur ou un signe qui indiquerait quelque chose d’anormal, mais je n’entendis rien d’inhabituel. Je devinais son parfum à travers l’enceinte de la maison, tout avait l’air paisible. Lorsque j’ouvris doucement la porte, elle était là, debout au milieu du salon, dans sa robe de velours noir, ma préférée.

Sa poitrine était mise en avant par un corset brodé de dentelle, lacé devant et derrière par de petits rubans rouges. Sa taille de guêpe mettait en valeur sa silhouette généreuse. De grandes manches évasées partaient en pointe sur ses petites mains fines. Ses cheveux étaient ramassés avec deux gros peignes sur le sommet de sa tête, laissant de longues boucles faussement décoiffées encadrer son visage. Ses yeux maquillés noirs charbon et sa bouche rouge carmin, donnaient une touche finale à l’ensemble.  Son sourire me fit subir une combustion instantanée, le désir parcourait l’intérieur de  mon corps en feu, mon cœur battait si fort que les morts du calvaire alentour auraient pu être réveillés.

Prenant enfin acte de ma présence, ma bien aimée m’accueillit bras ouverts. Ce tableau était parfait. Plongé dans l’atmosphère romantique, je posai un genou à terre, présentant au-dessus de ma tête mon bouquet de fleurs confectionné en chemin.

      - Bonjour ma douce, si tu savais comme tu m’as manqué.

Sans lui laisser le temps de répondre, je m’étais relevé à vive allure pour me suspendre à son cou et l’embrasser goulûment. D’un geste vif, je l’invitai en direction de la table. La nappe et le vase qui décoraient celle-ci venaient de disparaître comme par magie. Dans un pas de danse théâtral, je la saisis par la taille, la faisant tournoyer sur elle-même. Dans ses yeux qui me connaissaient par cœur, je découvris un semblant de femme effarouchée. Mon sourire était sans équivoque, je la voulais là, maintenant sur la table. Penché sur elle, je butinais son décolleté. Moeira se laissa faire, elle poussait de petits rires d’amusement. L’envie de l’autre était communicative et la température de son corps montait à son tour.

      - Eh bien, tu es de bonne humeur.  Avait-elle chuchoté, entre deux ricanements.

      - Tu es resplendissante à en couper le souffle, je te désire tel un fou.

Je l’embrassais de nouveau, sa joue, son cou, je descendais tendrement sur sa poitrine. Mes doigts pressés délassaient son corset afin de pouvoir caresser sa poitrine.

Debout devant elle allongée sur la table, je relevai les pans de jupe et vint me présenter à l’entrée des damnés. L’étreinte fut intense, sauvage et langoureuse. Prenant le dessus l’un  sur l’autre tour à tour, jamais nos corps ne se lassaient l’un de l’autre, mettant à témoin chaque recoin de la pièce de notre passion. Dans notre course haletante, des meubles avaient changé de place, d’autres avaient subi des dommages dus à notre force incontrôlée. Cela aurait pu durer des heures, nous n’étions infatigables. Mais un petit babillement nous ramena à la réalité.

 Lové l’un dans l’autre comme une seule personne, sur le tapis épais devant la cheminée qui ne servait jamais, les petits bruits nous stoppèrent net. Moeira éclata de rire. Un rire plein de joie et de folie. Je ne l’avais pas entendu rire comme cela depuis qu’elle n’était plus tout à fait humaine.

      -  Tu te rends compte mon amour, nous sommes parents, cela me rend tellement heureuse.

      - Oui, ma douce, tu me fais perdre la tête et j’en oublie que nous ne sommes plus seuls, à présent.

Moeira s’était blottie dans mes bras et nous avions ri en chœur ; comme il était bon de rentrer chez soi ! Qu’il était agréable d’être là ensemble, heureux de bonheur simple et humain.

      - Est-ce que je te rends heureuse Moeira ? C’est ce que je désire le plus au monde.

      - Mon amour, je sais, je n’ai pas été très tendre envers toi ces derniers temps, je m’en excuse. Ce bébé est ce qui me manquait pour être totalement comblée et tu me l’as offert. Rien n’est plus parfait que de t’avoir, toi et la petite Elisabeth à mes côtés. Je me sens vivante et invincible à la fois, c’est une merveilleuse sensation de plénitude. 

     -  Je vois cela et j’en suis comblé à mon tour ma douce et ténébreuse Moeira. 

A ce moment encore absorbé d’amour, je n’avais même pas réalisé le sens des mots qu’elle venait de prononcer.

     -  Il faut que je te dise, la petite est un peu particulière, enfin différente. Où l’as-tu trouvé ?

     - C’est une fille ! Quelle surprise. Vous voilà en supériorité numérique, je vais devoir me méfier, espérons qu’elle n’héritera pas de ton sale caractère.  J’ai immédiatement pensé que ça serait un garçon, pourquoi je ne saurais vous le dire. Une fille, un garçon, peu importait ; seul son sang mêlé avait de la valeur.

Moeira me mit un coup dans le ventre, ce qui me sortit de mes songes.

     - Ne plaisante pas, réponds-moi.

     - C’est une longue histoire, mais je vais essayer de faire court. Il y a quelques mois, alors que je m’apprêtais à pénétrer dans une maison pour me nourrir du locataire, une chose bizarre a retenu mon attention. Par la fenêtre j’ai vu l’impensable. Une humaine et un ange noir était en pleins ébats sexuels.

Moeira ouvrit de grands yeux, stupéfaite.

      - Oui ! Je devais faire la même tête que toi à ce moment-là. La curiosité a été plus forte que la soif. J’ai donc surveillé cette maison. J’attendais que l’adonis parte pour prendre la vie de l’élue, mais cette nuit-là l’ange noir pratiqua l’ablution. Je suis donc parti et j’ai ruminé tout ça. Mille idées me sont venues. D’abord espérant qu’il serait à son tour banni, j’y ai vu un coup du sort et j’ai surveillé le moindre indice. Des heures, des jours, des mois, mais il ne s’est rien passé. Je n’ai jamais pu laisser cette histoire de côté et je revenais régulièrement, ne sachant quoi chercher exactement.

Il y a quelques lunes, je suis retourné voir. J’ai été bien chanceux de constater qu’ils n’avaient rien changé à la nouvelle vie de la femme. J’ai vu la même humaine. Elle était jeune et belle, alors qu’elle aurait dut être vielle ou morte, vivant dans la même maison. Observant depuis tout ce temps les allers et venues, j’ai pris conscience de la nouvelle morphologie de la fille, son aura brillait comme le soleil au niveau de son ventre. Je n’ai jamais vu personne rentrer dans cette maison, à l’exception du binôme ailé, l’ange blanc et l’ange noir.

      -  Et tu penses que c’est un ange qui a mis enceinte la malheureuse.

      - Ne soit pas si dégoûtée Moeira, je te rappelle que toi et moi le faisions aussi. 

      - Oui, mais un ange ne peut pas procréer sur terre !

      - Eh bien, on ne le sait pas, en réalité, car cela ne s’est jamais produit. Je pense avoir peut-être la preuve que c’est possible. J’envisageais toutes les possibilités qu’offrait ce nouveau-né et je voyais à ce moment que des avantages.

      - Donc, nous aurions pu avoir un bébé ? Me demanda-t-elle.

      -  Je n’en sais rien, à dire vrai, mais si l’un des anges est forcément le père, l’aura de cette petite est trop unique pour qu’il en soit autrement. 

      - Tu as attendu qu’elle accouche et tu lui as volé la petite ?

      - Euh…, en quelque sorte oui ! Elle est morte des suites de couches, comme elle était seule et que le nouveau-né était en vie, je n’ai pas eu le cœur de le laisser.

     - La pauvre femme, comme tu as bien fait ! Elle me prit dans ses bras et j’étais content de moi.

L’avantage d’être passé du côté obscur c’est qu’à présent, je n’éprouvais plus de honte, même pour mentir à ma bien aimée. Je ne pouvais pas lui conter les circonstances exactes. Déjà qu’elle ne me voyait plus comme avant à cause de la mort, je n’aurais fait que renforcer ses doutes sur mon âme en perdition.

      - Oui, c’est vrai, mais le malheur des uns fait le bonheur des autres.

      -  Je sais, mais je trouve que c’est triste ; cela aurait pu nous arriver, à nous.

      -  C’est vrai et on s’en est bien sorti finalement. Nous avons  seulement été bannis et punis, rien de grave, notre quota est suffisant je crois, chéri.

      - Mais est-ce que les anges ne risquent pas de venir nous la reprendre ?

      - Faudrait encore qu’ils soient au courant et si tu crois que je leur ai laissé un mot.

Cette nouvelle question venait d’ajouter une possibilité pour l’avenir ;  si les anges venaient à chercher le bébé, je n’aurais qu’à attendre qu’ils viennent à moi. Je devais me préparer à cette éventualité et mettre Moeira à l’abri.

     - Je me doute bien. Enfin tout ça pour te dire que la petite est particulière. Elle arrive à me parler dans ma tête, mais je ne sais pas si elle peut lire mes pensées. 

     -  Intéressant, tu as remarqué autre chose ? Questionnais-je.

     -  Oui et tu vas le remarquer toi-même, je t’invite à le constater de tes propres yeux.

Elle avait piqué ma curiosité à vif et je me rhabillais en toute hâte.  Sur le visage de Moeira je lisais son impatience de voir ma réaction. Elle s’était précipitée devant la porte, pour être aux premières loges de ma stupéfaction.

      - Tu es prêt ?

      - Arrête Moeira, ouvre cette porte. Je l’invitais à dégager le passage.

Quand elle ouvrit la porte, je dois avouer que j’avais envisagé beaucoup de choses, mais ce qui se présentait devant mes yeux était invraisemblable.

Aucun doute, le nourrisson déposé dans ce berceau il y a une semaine n’était plus. A la place du nouveau né, une petite poupée au visage en porcelaine était assise dans le berceau. Son regard bleu était perçant et bizarrement très affirmé pour son jeune âge.

Ses cheveux couleur d’or formaient maintenant de petites boucles autour de sa bouille ronde.

       - Elle a grandi ! Tu es sûre que c’est le même bébé ? Tu ne l’as pas plutôt remplacé ? 

       - Très drôle, je n’y avais pas pensé à celle-là, sens-la et tu verras. C’est la même !  Par contre, je vais devoir te laisser une petite heure avec elle. Je ne me suis pas nourrie correctement depuis ton départ, pour ne pas m’éloigner, et nos prouesses sportives m’ont donné faim. J’ai beau me contrôler, je préfère ne pas prendre de risque. Son biberon est à côté, tu as seulement à lui donner. Prends grand soin de mon bébé, je tiens à elle plus qu’à ma propre vie, tu m’as bien comprise ?

       - Détends-toi Moeira, elle est très précieuse pour moi aussi.  J’étais sous le choc. Je présentais que l’enfant allait dépasser mes espérances.

       -  Oui  mais, sûrement pas pour les mêmes raisons, je ne suis pas idiote.

Elle avait posé un baiser furtif sur la joue d’Elisabeth. Elle s’apprêtait à partir lorsqu’à la porte elle s’arrêta brusquement.

            - Je ne serai pas longue, ma princesse, rassure-toi tu ne crains rien.  Elle referma la porte et elle partit chasser.

Je regardais la porte, le bébé et de nouveau la porte et le bébé. La petite avait-elle parlé, Je n’avais rien entendu. Je m’étais penché sur le berceau, pour la prendre mais j’avais à peine tendu les bras que je me heurtais à un mur invisible. J’avais essayé encore et encore, impossible d’approcher de la petite.

J’étais assis, abasourdi sur le lit. La petite avait formé une sorte de champs de protection tout autour de sa personne. Un pouvoir d’ange de ma lignée à une autre époque.

         - Bonjour Elisabeth, je ne te veux aucun mal, je suis Soltan, le monsieur qui t’a trouvée. Je voulais simplement te prendre dans mes bras pour te nourrir.

La petite me regardait fixement, droit dans les yeux comme si elle essayait de voir à l’intérieur de mon âme. Sous son regard froid et inquisiteur, je m’étais vite senti mal à l’aise.

        - Très bien, il te faut du temps, je comprends, je vais aller te chercher ton biberon et je vais le poser là au bout de ton lit.

J’étais sorti de la pièce en quête du biberon ; à mon retour, elle s’était déplacée à la tête du berceau qui semblait déjà presque trop petit maintenant. J’avais déposé le biberon au bout du lit, tout en expliquant à haute voix ce je faisais pour la rassurer. Je prenais soin de me déplacer doucement pour ne pas effrayer la petite. Elisabeth me laissa faire et attendit que je m’éloigne pour le saisir. Assis sur le lit, j’étais au spectacle.

       - Moeira m’a dit qu’elle t’entendait mais, moi rien. Je pense que nous allons avoir besoin d’apprendre à nous connaître, mais sois tranquille je ne te veux aucun mal. Si cela peut te rassurer, je ne ferai jamais rien qui pourrait encore faire du mal à Moeira. J’espère que nous deviendrons amis. Quand elle reviendra, j’irai faire quelques courses. Il te faut un lit plus grand et aussi des jouets et de nouveaux vêtements, car je crois que finalement Moeira aura vu trop petit. Je deviens dingue, je parle à un bébé. Bon, je sors de la pièce puisque je ne suis pas le bienvenu. Je laisse la porte ouverte si tu as besoin de quelque chose, alcool, tabac ou le journal, appelle-moi. Je plaisante bien sûr.

Durant mon monologue, la petite ne m’avait pas quitté des yeux, tout en buvant toute seule son lait. Aucun son n’était sorti de sa bouche, ni de ses pensées. C’était une drôle de semaine, une bonne toilette ne serait pas de trop. Je sentais le fauve, peut-être que l’odeur avait effrayé le bébé. Moeira serait bientôt de retour, je me hâtai d’être propre et frais pour son retour.

 

 

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