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Dévotion
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Dévotion
13 mai 2011

La nouvelle famille.

 

Ma semaine avait été bien chargée. Le point de rendez-vous était une ancienne carrière abandonnée, au soleil couchant. J’attendais les cent nouveaux vampires que j’avais transformé ces derniers mois. La ponctualité n’était pas le fort de tout le monde et ça me mettait déjà de mauvais poil. Contrairement aux autres, la mort était à l’heure, voir même en avance, attendant patiemment, cachée dans sa cape noire, faux à la main, ailes noires déployées ; un vrai cliché. Elle était là, planante, malsaine, au-dessus de moi, impatiente de voir ses projets funestes prendre forme. Attendant que le lieu se remplisse, je me rappelai la demande présente qui occasionnait cette réunion.

 

     - Nous ne sommes pas assez nombreux pour lutter contre ces volatiles, avait-elle pesté. Tu dois transformer d’autres personnes ou un jour les anges te tueront, si jamais je ne le fais pas moi-même. Je commencerai par ta rouquine.  Sous la pression, je m’étais exécuté.

 

J’avais d’abord essayé sur le premier malheureux venu, lui transmettant mon propre sang, écoutant son dernier souffle. Transformer est un travail méticuleux, il faut  attendre que le cœur ait fini son charivari en ébullition face à la peur, l’écouter battre son dernier soupir et y planter ses crocs et l’empoisonner, sans plus attendre nourrir sa victime consentante à son tour de l’élixir de vie des ténèbres, écouter le cœur repartir à tout rompre tel un cheval au grand galop. Contrairement à ce que l’on peut lire de nos jours, un vampire a un cœur qui bat, sinon pourquoi lui planter un pieu dans le cœur si celui-ci n’est plus ? Il bat seulement plus vite que pour un être humain, beaucoup plus vite. Le sang ne sert qu’à alimenter ce rythme effréné et à faire fonctionner toute la magnifique machine qu’est le corps humain. Plus de sang, plus de battements, c’est aussi simple que cela. Bien sûr, un vampire a besoin de se nourrir plus souvent qu’un humain, il déploie beaucoup plus d’énergie qu’une personne normale.   Malgré le schéma à suivre, les premiers essais furent un échec. Je m’y prenais trop tard ou trop tôt. La mort, tel un professeur exigeant, ne ratait pas une occasion de me fustiger de petites réflexions acerbes.

 

     -  Le dernier battement, je t’ai dit. Tu me déçois Soltan, on perd du temps, tu n’es bon à rien.  Je me demande si tu réfléchis parfois. Pourquoi transformer un misérable, alors que tu pourrais choisir l’élite. Il est temps de sélectionner ce qui va devenir mon armée. Je ne veux pas d’un vieillard ou d’un homme décharné qui n’est déjà que l’ombre de lui-même. 

 

J’étais forcé d’admettre qu’elle n’avait pas tort. Chaque transformation  me prenait beaucoup de temps et de force. Je mettais des lunes à récupérer les pleins pouvoirs de mes aptitudes. Mon premier né fût Paul, un homme de forte corpulence, qui travaillait dans une ferme. Le choléra avait emporté son fils de six ans, sa femme et ses bêtes. Lorsque je l’ai trouvé, il y a dix ans, il était dans sa grange,  se passant la corde au cou. Devant ce tableau désolé, j’avais sollicité cinq minutes pour lui proposer un marché. L’homme désœuvré avait accepté. Rodrigue, le deuxième était un grand homme sec et athlétique. Il avait une vie minable faite de paris sur des combats de boxe au fond de caves miteuses. Il était très bon boxeur, mais le temps et l’alcool avaient laissé des séquelles.  Lors d’un ultime combat sûrement truqué, je le récupérai in extremis sur un KO. Les organisateurs mécontents l’avaient jeté à la rue, presque mort. J’avais été surpris et déçu de constater qu’assez vite il possédait la quasi totalité de mes pouvoirs et que  chaque échange de sang m’affaiblissait un peu plus.

 

     -  Ne sois pas égoïste, tout enfant a droit à un héritage. De plus, tu as déjà tellement de cordes à ton arc que l’on pourrait en jouer de la guitare, hihihi ! La reconstruction des chairs n’est pas propre à ton sang, c’est un don vampire. N’importe lequel d’entre vous a cette capacité, tes pouvoirs te sont propres, tes faiblesses ne sont que passagères. 

 

     - Les villes engendrent des déchets, partager mon sang avec ces moins que rien est un sacrilège. 

 

     - Petit prétentieux, il ne tient qu’à toi de choisir les bonnes personnes. Le mal et la rage sont dans l’homme de départ. Ces déchets de société n’ont plus rien à perdre contrairement à toi et ils seront par conséquent beaucoup plus dociles et faciles à manipuler.»

 

L’humour noir de la mort, c’était pathétique d’avoir été obligé d’en arriver là. Parfois sous la pression constante, je pensais que mourir aurait été plus simple, mais dès que je plongeais dans les grands yeux de Moeira, toutes les peines et les sacrifices n’avaient plus cours.

 

Chaque transformation m’éloignait de tout le bon sens que le ciel m’avait inculqué, un savoir que même la suppression de mes ailes ne m’avait pas ôté. Mais c’était sans compter sur la faucheuse qui veillait au grain et qui me rendait plus noir chaque jour et chaque nuit.

 

La mort ne m’avait pas choisi par hasard, j’avais la possibilité de voir l’aura des hommes, capacité d’ange de mon clan. Il m’était facile de faire la différence entre un simple humain et un élu choisi par le ciel, même maintenant que j’étais de l’autre côté de la barrière. Je cumulais les possibilités d’anges et de vampires, ce qui faisait de moi un vampire nettement supérieur aux autres.

 

L’élu en dernier cycle propage la même couleur pierre de lune que ses protecteurs, cela est dû aux nombreux échanges des différentes ablutions avec le flux de l’ange noir. Tuer leurs protégés n’était que la première partie du plan pour faire sortir les oiseaux de leurs cages, le but final étant de boire le doux sirop bleu des grands maîtres et non des apprentis. Absorber les pouvoirs des anges pour faire des guerriers imbattables, une nouvelle espèce de vampire parfaite. Les pouvoirs réunis étaient plus grands. Nourri par un sang d’ange, le vampire récupérait quelques facultés de celui-ci, mais surtout il pouvait sortir le jour ou la nuit, pareil à Moeira et moi-même. Nous étions à l’époque la seule exception. L’union des deux sangs ferait une armée de sangsues bien plus dangereuse, clamait la mort.

 

Au cours des deux dernières années, notre ignorance nous avait fait perdre pas mal de nouveaux nés, brûlés vifs sous les premiers rayons du soleil. La faucheuse avait conclu à une protection divine des anges. J’étais épargné par cette limite ainsi que Moeira, grâce à mon ancien statut au ciel et aux échanges de flux avec Moeira du temps de son vivant. Une raison encore évidente pour choisir un élu et non pas un simple humain. Ce sang bleu, voir même son essence, garantissait de passer au travers de cette barrière céleste.

 

 Mais prendre le sang des anges allait avoir un revers, je savais déjà qu’une guerre terrible en découlerait.

 

Engendrer une nouvelle espèce avait été pour moi une issue pour me sentir moins seul et retrouver une appartenance, créer mon propre clan. Mais la mort, elle, avait une toute autre vision. Elle voulait éradiquer les anges.

 

Je m’étais toujours attaché à proposer un marché à ma victime avant chaque transformation. Même si, au final, cela consistait à mourir ou mourir. Sûrement à cause de Moeira qui me reprochait éternellement de lui avoir pris sa vie sans lui demander son avis.

 

 Ma bien aimé et moi-même avions aussi gagné le bénéfice de ne plus dormir, héritage encore venu du ciel et du sang bleu, les anges ne dormant jamais. Les autres vampires dormaient le jour à l’abri des rayons du soleil. Pour faire plaisir à Moeira, je m’étais attaché à transformer au moins une femme pour cinq hommes, afin de féminiser les troupes.

 

     - Trop de testostérone ce n’est pas bon, de plus une femme est un très bon alibi, cela sera très utile. Crois-moi, les femmes sont plus réfléchies, et elles seront un atout. 

 

J’avais pris tous les conseils en considération. Et j’avais établi des règles, forcé de constater que la condition de vampire avait ses limites. Les années passées avaient permis de faire une liste à respecter scrupuleusement.
Premièrement pour la survie de l’espèce et deuxièmement pour asseoir mon statut de chef parmi la meute.

 

La réunion du jour avait des objectifs bien précis et les nuits qui allaient suivre allaient être décisives pour l’avenir. La carrière était à présent remplie. La mort avait compté chaque arrivant, faisant des croix à chaque entrée avec sa faux sur un gros chêne couché sur le sol.

 

      -  Votre attention !  Tous les yeux s’étaient braqués sur moi, en un seul bloc.

 

      -  Nous sommes ici réunis pour faire un point avec vous tous. Je vous rappelle que si jamais vous en aviez besoin, vous pouvez toujours voir avec un des référents ; Ralf à ma droite ou Rodrigue à ma gauche et bien évidement moi-même.  Soltan avait montré les deux hommes du doigt. L’ambiance était électrique.

 

      - Pour rappel, je vous redonne les règles à respecter à la lettre, pour le bien de tous ici. Quiconque sera pris à les transgresser sera jugé devant ses pairs et réduit en poussière. Je sais que certains d’entre vous jouent avec le feu et je leur conseille vivement de bien ouvrir leurs oreilles.

 

Règle numéro 1 : Il est interdit de se nourrir d’un enfant.

 

Règle numéro 2 : Vous ne pouvez pas tenter de transformer quelqu’un vous-même, ce serait un échec assuré, cette dégénérescence serait incontrôlable et hasardeuse.

 

Règle numéro 3 : Il est impératif de ne pas se faire repérer. Déjà beaucoup de fables circulent sur nous et nous n’avons en aucun cas besoin d’attirer l’attention. Votre secret doit être gardé jalousement ou vous mettriez toute notre communauté en danger. Déménagez souvent, ne laissez jamais de témoins.

 

Règle numéro 4 : Respectez le coucher et le lever du soleil si vous ne voulez pas brûler vif.

 

Règle numéro 5 : Vous avez l’obligation de signaler tout manquement aux quatre autres, sous peine d’être vous-même puni.

 

Par ailleurs, je vous rappelle que vous n’êtes pas invincibles, ne buvez jamais le sang d’une vierge, cela vous empoisonnerait et vous tuerait sur le champ. Un pic planté dans le cœur ou le feu sont des éléments que vous devez craindre comme la peste.

 

Les maladies sanguines et autres n’ont aucune prise sur vous, vous pouvez somme toute le diagnostiquer seuls, car le goût du sang sera aigre ou acide. 

 

Maintenant voici le programme. 

 

Les vampires étaient dissipés, comme de jeunes chiots surpuissants et immatures pour la plupart, ils chahutaient déjà. Ca n’allait pas être facile de mettre aux pas tout ce petit monde.

 

      - On se détend ou je vais vous calmer. 

 

      - Oui c’est ça, tu crois que tu me fais peur avec tes grands airs ?  Avait crié un homme au fond.

 

Tous mes sens de chasseur étaient en alerte. La colère venait m’empoisonner, tout mon corps était en irruption. Sans avoir pourtant vu son visage je le flairais comme une proie dans ma course frénétique. Son exaspération m’avait immédiatement mis en transe. Je le tenais déjà à portée de bras et, dans un élan vif et sans hésitation, mon poing venait de pénétrer sa poitrine sous un craquement d’os. Dans ma main et sous les regards atterrés, je tenais son cœur entre mes doigts. Des giclées de sang m’aspergeaient, l’odeur du sang m’enivrait déjà.

 

     -  Je te reprends ce que je t’ai donné, tu n’es pas méritant. 

 

Aussi rapide qu’un aigle sur sa proie, je lui avais repris la vie. M’essuyant la bouche encore dégoulinante, je me retournais vers les vampires restés statiques.

 

     - Quelqu’un à autre chose à dire ? 

 

Ils étaient tous médusés et prostrés. Dans quelques secondes, l’odeur du sang les rendrait tous fous. Je plantai sans plus attendre un couteau dans son cœur encore accroché. Immédiatement le cadavre partit en une poussière noire nauséabonde. Plus de corps, plus de sang, seule une tâche sombre couvrait le sol. J’avais avancé parmi eux, chacun se poussait sur mon passage. 

 

     - Je vois que j’ai toute votre attention maintenant. Pendant les jours qui vont suivre, nous allons évaluer les talents de chacun. Vous serez répartis par secteur sur un ensemble de territoires et les meilleurs d’entre vous se verront désignés responsables d’un groupe, qu’ils devront gérer. Si jamais un membre du groupe manquait à une règle, le responsable serait bien évidemment inquiété et son autorité serait immédiatement remise en cause. 

 

La mort susurrait à mon oreille.

 

      - Tu aimes ça, n’est ce pas ? Ce pouvoir sur les autres, ne te sens-tu pas tout puissant à cet instant, mon fils. 

 

J’avais essayé de ne pas l’écouter. Je préférais ne pas penser à ce qui venait de se passer, car c’était hors de contrôle. Je savais que c’était la partie sombre et obscure de moi qui prenait un peu plus le dessus. Je m’appliquais à continuer mon discours, chassant de mon esprit le malin.

 

     - Durant cette semaine n’hésitez pas à poser toutes vos questions. Si jamais certains d’entre vous ont déjà l’habitude d’évoluer en groupe, merci de venir vers moi. Je suis tout disposé à ne pas séparer un groupe qui fonctionne déjà.

 

Vous serez jugé sur votre discrétion, votre rapidité d’exécution. Ensuite chacun montrera ses atouts personnels.

 

Nous vous enseignerons tout ce que vous devez savoir. Notre objectif final est de pouvoir vivre comme bon nous semble, N’oubliez pas qu’il y a différentes alternatives à la soif. Vous pouvez prendre la vie, vous pouvez aussi hypnotiser votre proie et seulement vous en abreuver. Il y a aussi, en cas de besoin, un substitut, le sang animal, qui est hélas peu nourrissant, mais qui pourrait vous sauver un jour. 

 

Des voix horrifiées retentirent. 

 

     -  Je sais ça peut rebuter, mais quelquefois il n’y a pas d’autre choix. Au fur et à mesure des missions seront assignées, il tient à chacun de vous de sortir son épingle du jeu.

 

La semaine se passa, plus ou moins sans heurts. Il y eut quelques belles surprises et aussi de moins bonnes. Les entraînements étaient intenses et les combats violents, même les chasses étaient surveillées. A la fin de la semaine, les rangs s’étaient resserrés, vingt-huit d’entre eux étaient morts pour l’éternité. Certains, tués au combat, d’autres supprimés volontairement pour infractions aux règles.

 

Je ne voulais pas d’à peu-près. Cela faisait beaucoup rire la mort. Au bout d’une semaine,  j’avais formé des équipes. Bien sûr il n’y avait rien de définitif, mais la prochaine réunion serait l’occasion d’apporter des modifications en temps voulu. Paul et Rodrigue avaient été d’une grande aide. J’avais toute confiance en mes deux premiers nés, qui me suivaient maintenant depuis près de dix ans. Moeira n’aurait pas été de trop, elle me manquait. J’espérais qu’elle n’ait pas succombé et gâché le sang sacré qui coulait dans les veines de ce petit être mélangé. Si Moeira arrivait à le conserver jusqu’à maturité, il serait une source précieuse. Sans un dernier sermon, sans même un regard vers la mort, j’avais pris congé, renvoyant chacun sur son territoire.

 

Cette semaine avait été longue, j’avais hâte de retrouver ma belle ténébreuse. En chemin, je repensais à la douceur de sa peau, sa longue chevelure cuivrée, ses longs doigts de pianiste et surtout à son parfum de rose. J’aimais parcourir de petits baisers la naissance de son cou.  Il y avait bien trop longtemps que nous n’avions pas été intimes. Cette pensée remplît mon corps d’un petit courant électrique. J’allais chasser en route, pour arriver en pleine forme pour honorer ma douce Moeira.

 

 

 


demo

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