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Dévotion
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Dévotion
21 avril 2011

C’est ma réalité.

 

    Une fois seule, je déposai le bébé encore endormi dans un berceau que j’avais volé lors d’une chasse, espérant qu’un jour Soltan me laisse de nouveau une chance d’être mère. Maintenant, je n’avais plus besoin de fuir, j’avais un chez moi ; certes c’était loin de la maison que j’avais imaginée mais ici nous étions à l’abri.  La faune de la forêt me permettrait d’organiser mes chasses en fonction des siestes du bébé, ainsi je pourrais m’en occuper sans crainte et je n’aurais pas besoin de m’éloigner très loin.

J’étais émue, penchée au-dessus du nourrisson, j’essuyais mes larmes de sang qui commençaient à couler sur mes joues. Mon organisme ayant été modifié par ma nouvelle vie de vampire, c’était maintenant ainsi. Difficile de ne pas devenir hystérique la première fois que l’on s’en rend compte. Je ne voulais pas effrayer le petit avec ce désagrément. Je n’ai jamais été une mauvaise personne, seule la soif me faisait perdre la tête. Je ne suis plus le jeune vampire inexpérimenté de mes débuts. Je contrôle la brûlure de ma gorge à présent. Il y a bien longtemps,  j’avais déjà essayé d’élever un petit humain fraîchement orphelin mais, trop jeune dans ma nouvelle peau de buveuse de sang, j’avais été tentée d’y goûter. Par peur de manquer à la première règle établie par  Soltan  lui-même : on ne se nourrit pas d’un enfant, il m’avait retiré l’enfant. Je suis restée inconsolable de la double peine. Je ne pourrai jamais  enfanter et jamais être mère pour l’éternité.

Et voilà  que ce jour tant attendu était arrivé. Cette fois ci, ça serait différent, j’étais prête à être mère et prête à tout pour le rester.

Durant plusieurs années, j’avais tenté de forcer la main de Soltan qui restait inflexible, campé  sur ses positions. J’avais aménagé la vieille demeure en un lieu confortable, un petit nid presque douillet et surtout préparé un trousseau pour un bébé. J’espérais que devant toute cette mise en scène, mon amant finirait par comprendre ce que je voulais le plus au monde. Pour ce faire, chaque promenade chez les humains donnait lieu à un vol sans effraction. Je voulais plus que tout un nouveau départ. Un semblant de vie normale. Bien sûr, la mort hurlerait de rire, si elle voyait le tableau utopique d’une pauvre folle nourrie de sang se berçant de rêves mortels. Mais, je n’ai  pas choisi cette vie de paria. Bannie par procuration et par amour, n’ai-je  pas le droit de vouloir essayer ?

Chaque jour de mon immortalité, je me souviendrais de la nuit noire où je me suis réveillée, à la recherche d’un souffle pour me réanimer, me demandant pourquoi mon cœur s’arrêtait. Mon amoureux ce jour-là était  au rendez-vous, il posait ses lèvres bizarrement de marbre et ce fut la tombe de notre amour à jamais scellé par ce baiser de la mort. Je sens encore ses dents malsaines me pénétrer les veines, m’aspirant mon dernier souffle d’humanité. Plus tard sans trop comprendre comment, je renaissais sous le ciel étoilé que voyais comme pour la première fois. Dans ma bouche coulait un liquide que j’avais d’abord trouvé amer  pour devenir doux et sucré. Peu à peu, encore inerte, je sentais mes sens démultipliés. Le sang de mon assassin coulait à présent dans mes veines, faisant de moi son bras droit dans l’éternité sombre et punitive, qui allait devenir notre vie. Mon cœur battait maintenant à la vitesse d’un cheval au galop, premier stigmate de ma nouvelle condition. Contrairement aux bêtises que vous pouvez lire ou entendre, un vampire a un cœur qui bat. Sa fréquence cardiaque est par ailleurs largement accélérée par l’absorption du sang. Il y a bien d’autres absurdités qui sont racontées à notre sujet mais je corrigerai cela au fur et à mesure de mon récit.

Passées les premières années euphoriques des facultés données, de pouvoir jouir de mon bien aimé à volonté. L’éternité m’a très vite ennuyée. Fuir, tuer pour vivre, vivre pour tuer. Ca tournait en rond, pas de but, pas de repos, le purgatoire à ciel  ouvert.

La vitesse avec laquelle je peux me déplacer reste somme toute ce que j’apprécie le plus, ça me permet d’oublier parfois les mauvais côtés de ce que signifie être vampire entre autres choses. Moi, qui ai toujours été de nature impatiente, je trouve ça tellement agréable de me mouvoir en un battement de cils. Chaque déplacement ressemble à une danse hypnotique de flottements hors de l’espace-temps.

Au palmarès des récompenses, il y a également la jeunesse éternelle et le bien-être de ce que j’appelle le kiss of Death. La tête tourne, la gorge s’assèche comme un désert et donne naissance à un si grand désir de sang, intoxicant mon corps  en manque.  C’est une réalité pour chaque vampire : l’heure de la chasse sonne à la porte, le vampire entre dans une transe où la raison n’a jamais mis les pieds. Tous les sens sont aiguisés, amplifiés. L’or rouge et chaud a un fumet romantique, une drogue. Les humains, banques de sang sur pattes, sont à portée de bouche. Hors de contrôle, les tempes raisonnent sur le tempo des pulsations cardiaques du repas. Les crocs affutés comme des lames de rasoir viennent chercher leur récompense. Je sais que c’est écœurant mais le bien que cela procure est sans pareil. Je n’aime pas faire du mal aux gens ; cependant, je dois bien survivre. J’ai la chance d’être la chasseuse et non la proie, ce qui n’est pas si mal dans mon monde cruel. Voilà, c’est cela un vampire. Heureusement, je m’attache à ne pas me résumer seulement à cela, mais ça m’a pris beaucoup de temps pour devenir moins bestiale.

Soltan n’a jamais été un jeune vampire à proprement parler. Il a tout de suite su se maîtriser et tirer le meilleur parti de la situation. Il a été plus difficile pour lui d’admettre qu’il avait changé de famille et que les siens lui avaient tout repris. Je sais qu’il s’en veut de m’avoir entraînée dans sa chute, mais je sais aussi qu’il ne pourrait y arriver sans moi. Après tout je suis la cause de tous ses malheurs. Qui peut avoir autant d’amour et de dévotion pour quelqu’un d’autre que lui-même.

Il est mon roc et ma raison. Il est mon phare et mon port réunis. Il est vrai que j’ai perdu mon humanité, néanmoins, lui a perdu le ciel. Je lui fais souvent des reproches mais ce n’est que pour le garder près de moi. Depuis qu’il prépare d’autres membres à notre famille atypique, je suis souvent seule et il me manque.

Je devrais peut-être aussi vous parler de la faucheuse, mais rien que de la nommer dans mon carnet, j’ai l’échine qui frissonne. Elle me fait peur. Je ne crains rien ni personne au monde à part cette chose abjecte, qui est notre créatrice. Alors, pour ma sécurité et la vôtre aussi, je préfère pour le moment éluder le sujet. J’étais promise à des ailes d’ange et j’avais gagné l’enfer avec sa gardienne pour mère…

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  • La raison du coeur est tel toujours toujours la meilleure Il nous arrive tous à un tournant de notre vie de devoir faire un choix: le coeur ou la raison. (Reproduction interdite sans autorisation .)
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