Comme convenu, je rejoignis la mort au point de rendez-vous. J’avais pris soin de me délester de mon nouvel ami quelques lieux avant, lui demandant de m’attendre, pour sa propre sécurité. J’inventai un prétexte et promis d’être de retour très vite.

La mort était déjà là, jouant avec sa faux comme un enfant jouerait avec un bout de bois, pour passer le temps.

- Enfin, j’ai failli attendre !

- Très drôle pour une chose qui n’a que cela faire : attendre et ce pour la nuit des temps.

Sa lame brillait déjà au-dessus de moi et je m’attendais déjà à sentir ma peau se déchirer, mais elle n’en fit rien.

- Tu ne m’as pas amené ton nouveau petit chien.

- Non ! Nos conversations ne regardent personne. Je vous prie d’aller à l’essentiel, je n’ai pas que cela à faire.

- Est-ce que notre petite affaire est arrangée ?

- Oui tout est en place, il n’y a plus qu’à attendre les anges. Je vous conseille de ne pas rester loin de mille creek au cas où. Je vais être pas mal occupé, les jours à venir.

- Ok, je m’arrange de cela. Cependant, pour le moment, on a quelque chose à préparer.

Tous mes sens étaient en alerte, qu’allait-elle encore me demander ?

- Je pense qu’il est temps de récompenser ton travail et pour ce faire je te propose de t’unir solennellement à ta rouquine.

- Je ne comprends pas ce que vous dites, mais si par rouquine vous parlez de Moeira, je vous demanderais d’en parler convenablement.

- Oui, c’est d’elle qu’il s’agit. Je pense que vous avez mérité d’être mari et femme pour l’éternité. Quelle drôle d’idée, un souhait humain qui plus est, je trouvais sa requête trop étrange pour être désintéressée.

- Pourquoi feriez-vous cela et qu’est-ce que cela vous apporterait.

- Pense donc à la joie que cela lui procurerait, elle qui n’aspire qu’à de l’humanité. Il n’y a pas plus humain qu’un mariage entre deux êtres qui s’aiment. Je pense également qu’il faille officialiser votre couple pour le bien-être de ton peuple en devenir. Une sorte de repère et plus encore une hiérarchie dont vous seriez le point de départ et la référence. De plus, je crois qu’une fois mariée, elle sera moins regardante à tes déplacements et tu seras plus serein.

C’était très mal la connaître mais je ne voulais pas lui ôter ses belles illusions. Pour ma part, je restais prostré, je n’avais même jamais pensé épouser Moeira depuis notre nouvelle condition de vampire et si une seule personne était à même de procéder à un rituel pareil c’était la mort. Il nous faudrait faire avec.

- N’est-ce pas un peu trop religieux pour la mort, je vous vois mal endosser le costume de prêtre ?

- Je fais ce que bon me semble, je suis la grande autorité. Je serais enchantée de vous offrir ce présent, laisse-moi faire cela pour toi.

La mort, enchantée, deux mots qui n’allaient pas ensemble pour être de bon augure. Moeira ne voudrait pas laisser seule Elisabeth et il était hors de question de la montrer à la communauté, c’était trop dangereux. Dans ma tête, le sourire radieux de ma princesse venait de me faire céder. Je décidai d’accepter le cadeau sûrement empoisonné, mais j’y mis mes conditions.

- D’accord, j’accepte, toutefois à certaines conditions.

- Je m’en doutais, tu ne me fais pas confiance ? Il faut des clauses à notre contrat et j’en ai également. Je t’écoute.

- Premièrement, il est hors de question de faire une grande fête avec tous les vampires, cela risque d’être vite incontrôlable. Je veux quelque chose de simple, en petit comité.

- Simple, laisse-moi rire, il suffit de voir comment elle s’habille pour savoir qu’il n’y aura rien de simple. Je préférai ne pas relever de peur de m’énerver.

- Nous ferons cela dans la clairière de notre ancien repère, Moeira, vous et moi.

- Il te faut des témoins qui pourront attester pour toi, des gens de valeur et de confiance, c’est obligatoire et une des mes conditions à moi.

- Très bien, alors Vincent sera témoin pour moi.

- Et la petite Elisabeth le sera pour l’autre.

- Pas Elisabeth, vous ne pouvez pas la mêler à cela.

- Désolée, ce n’est pas négociable, elle sera présente un point c’est tout. Il y a bien trop longtemps que tu me la caches, je veux vérifier qu’elle va bien de mes propres yeux. On y était, je supposais que ce mariage n’était rien d’autre qu’une astuce de plus pour mettre l’enfant en danger. Moeira ne voudrait jamais accepter cela.

- Faut-il encore que Moeira accepte !

- Elle acceptera ne t’en fais pas. Elle la considère comme sa propre enfant selon tes dires, il est par conséquent évident qu’elle assiste à cette union. Je compte sur toi pour le lui rappeler. Il te faudra trouver une solution pour rendre publique votre union et je te laisse carte blanche pour trouver l’aboutissement. Il est impératif que vous choisissiez vos vœux, qui vous uniront pour l’éternité. J’insiste sur le fait de bien réfléchir à ce que vous allez formuler, ce jour sera unique. Il faut convenir d’une date et je la veux maintenant.

- Laissez-moi réfléchir un moment. Je pris un bâton et fis quelques calculs sur le sol, la mort volait de droite à gauche au-dessus de moi cherchant à comprendre ce que je fabriquais. Du bout du pied, j’effaçai et recommençai.

- Nous sommes bientôt au printemps, n’est-ce-pas ?

- Oui, dès que la lune sera pleine et au zénith du ciel. Je déteste cette période, les jours commencent à rallonger et cela n’arrange pas nos affaires. J’étais rassuré, le mariage se ferait ce jour-là.

- Parfait, ce sera le Solstice, aucun ange ne sera sur terre. Vous nous unirez ce soir là.

- C’est quoi le Solstice ?

- C’est l’époque où les anges convolent eux aussi, où les naissances ont lieu et les nouveaux anges naîtront.

- Plus d’anges, parfait je valide.

J’étais ravi, me marier avec Moeira ce jour ne serait que bénéfique pour notre amour et sans le savoir les anges allaient donner leur bénédiction. La coutume des anges veut que chaque union faite sur terre en ce jour sacré, jouisse d’une protection qui confère à l’union une alliance durable et inébranlable pour l’éternité. Même les humains entre eux se retrouvent dans cet amour, même au-travers de leurs autres vies. L’alchimie des sentiments reste inscrite dans le cœur de chacun et l’attraction les réunit à chaque fois comme une promesse de rendez-vous. Ce jour, la promesse des vœux échangés prend tout son sens. Le « pour toujours » devient réel et les sentiments sont décuplés pour l’éternité.

Je ne remerciai pas la mort sans réserve pour autant et je rejoignis Vincent, qui venait de passer de vampire presque mort à compagnon d’expérience, puis témoin de mon mariage. Nous allions nous rendre dans la maison des bois que Moeira avait dû quitter à présent. Je voulais m’entretenir avec ma douce avant de lui présenter Vincent, mes yeux et mes oreilles lorsque je serais absent de la maison et de mon territoire.

Le cadeau de la mort

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