Artus faisait les cent pas devant l’entrée de la verrière.

- Ah désolé Satya, il me tardait de te relater l’expédition.

- J’ai hâte de t’entendre.

- Marchons, tu veux bien ? Je voudrais rejoindre mes appartements pour me changer, et j’ai de nouveaux plans à explorer, mais j’ai besoin de documents dans mon bureau.

- Tu as toute mon attention. Tu sais que je vais être affecté directement sous ton commandement ?

- Oui et j’en suis très satisfait. A mon avis, nous allons conserver les deux équipes en place à moins que tu veuilles procéder à un changement ? »C’était la spécialité d’Artus, sauter du coq à l’âne pour éluder les questions auxquelles il ne voulait pas répondre.

- Non, pour le moment c’est très bien.

Sur la porte, comme pour chacun, le nom d’Artus était inscrit. Contrairement au logement de Claire, chaque pièce était bien marquée de la touche personnelle de son occupant. Un joyeux bordel organisé décorait chacune d’elles. Les pièces étaient plus sombres car des rideaux voilaient la luminosité des fenêtres qui donnaient directement sur les nuages. Son appartement était un des plus hauts dans la tour des anges noirs. Tous les appartements étaient identiques. Un grand loft sans mur, chaque pièce épousait l’autre. Le lit était défait, un tas de linge jonchait la moquette. Le salon servait de bureau.

Quelqu’un frappa à la porte, celle-ci à peine refermée.

- Ah oui pardon, j’ai déjà oublié. S’étonna Artus. Vous n’avez qu’à poser tout ça près du bureau.

- Deux premiers anges venaient de pénétrer dans le salon, les bras chargés de boîtes en carton. Ils saluèrent et se retirèrent sans un mot.

- Oui, nous allons installer notre quartier général dans mes appartements, j’ai l’habitude de travailler ici et je m’y sens bien pour réfléchir. J’ai demandé à ce qu’on me fasse monter un tas de documents et cartes qui peuvent nous être utiles.

Je fis un tour sur moi -même, cela me semblait un peu difficile de travailler dans ce fourbi.

- Rassure-toi, j’ai déjà demandé un réagencement des lieux.

- Il n’était pas plus simple de demander un bureau ?

- Non, car tout le monde y rentre comme dans un moulin. Ici tout ce qui sera dit, ou rangé restera bien en sécurité. Je pouvais avoir un appartement famille mais cela aurait trop attiré l’attention, vu que je n’en ai pas, et c’est trop bruyant.

Les couples avaient des logements plus grands afin de pouvoir élever leurs enfants. Cette partie se trouvait au rez-de-chaussée, accolée au jardin.

- De toute manière, c’est juste pour nos petites réunions, la plupart du temps nous serons sur terre.

Je dégageai une chaise pour m’asseoir. Artus en fit autant.

- Bon, nous avons retrouvé un petit groupe d’excités à 50 km au nord de Mille- Creek.

Artus sortit une carte qu’il déploya sur le bureau. La carte était truffée de ronds rouges, de croix, de tracés de toutes sortes.

- Ces imbéciles nous ont bien facilités la tâche, ils sèment les cadavres comme des cailloux. Il n’a pourtant pas été simple de trouver leur repaire. Ils vivent en marge de la société. Si tu les voyais, c’est pitoyable. On dirait des adolescents primaires. Ils ne font rien que rire, se battre entre eux et boire de l’alcool. Ils se sont réfugiés dans une sordide mine abandonnée.

Les mines de Mille- Creek avaient donné du travail à des milliers de villageois. Le charbon avait été extrait à son maximum, il ne restait plus que deux montagnes pleines de trous de galeries sans fin. Satya avait déjà eu en charge un élu qui avait travaillé un temps là-bas. Il n’avait pas eu le temps d’achever son travail avec lui, la mort s’était servie la première. Des gens mouraient tous les jours, empoisonnés par l’air toxique à l’époque, mais mon élu était mort sous une chute de gravas.

- Je connais cet endroit. C’est une très bonne cachette, des milliers d’entrées et de sorties. Pas facile de retrouver quelqu’un dans ces combles.

- De toute manière, nous sommes toujours restés à couvert. Heureusement que j’ai eu la bonne idée d’emmener Melia; son don a été la clé de tout, une fois sur place. C’est comme ça que nous avons su comment la transformation s’opérait. Ils sont amers de ne pas être plus puissants. Ils ont soif de vengeance. Ils donneraient tout ce qu’ils ont pour sucer le sang de l’un de nous. Ils ont beaucoup d’animosité pour l’autorité. Ils se tueraient entre eux, s’ils étaient sûrs que cela leur donnerait davantage de pouvoir.

- Eh bien, quel beau tableau ! Gabrielle dit que la petite est avec Moeira. Vous avez des informations sur l’endroit où elle et Soltan se trouvent ?

- Oui elle m’a dit cela, mais non, rien sur l’enfant, ni sur Moeira. Il nous a fallu six lunes pour trouver ceux-là. Cela a été long et éprouvant pour chacun d’entre nous mais il y a d’autres groupes et c’est déjà un point de départ.

- Je voudrais parler avec toi d’une chose qui me parait être la priorité.

- Je t’écoute ?

- Comment allons-nous faire pour lutter ? Malgré nos pouvoirs, nous n avons aucun moyen de nous battre, ce n’est pas dans nos dispositions et encore moins dans nos règles. Mais pourtant nous n’allons pas rester à les regarder agrandir leurs troupes, nous chasser et tuer nos élus. On ne peut pas simplement se pencher sur eux pendant leur sommeil pour une ablution. On ne sait même pas si ça dort ces bêtes-là et de toute manière on ne peut pas faire l’ablution, on risquerait d’être empoissonné. J’étais en colère et je m’étais levé pour laisser sortir ma crainte afin de ne pas crier ou taper du poing.

Ce soudain regain de tempérament violent était nouveau et déplacé. Il avait gagné mon âme avec les sentiments qui avaient animé mon être ces derniers jours. L’amour avait été le berceau de la peur, le dégoût, la honte et maintenant la colère. Rien de tout ça n’était dans le manuel du parfait petit ange.

- Eh bien, je suis heureux que tu soulèves le sujet, et tu as raison sur toute la ligne. Je pense que tu as déjà tous les prémisses de l’ange de l’apocalypse. Il rigolait.

- Ca ne me fait pas rire. Ca me semble voué à l’échec.

- Jeunesse, fouge et spontanéité. Pourquoi crois-tu que nous avons été dépêchés pour cette mission ? Pourquoi penses-tu que nous sommes cachés dans mon appartement telle une société secrète ? On ne peut pas attendre que nos savants trouvent un antidote aux croque-dents. Bien sûr que nous allons nous battre, ma question à moi était : seras-tu prêt ? Mais je viens d’avoir ma réponse et j’en suis heureux.

- Mais comment se battre ?

- Il nous faut d’abord utiliser notre tête avant de porter le coup fatal. Nous devons mieux les connaître, l’idéal serait d’avoir un indic.

- Melia et Kara seront très précieuses pour nous relater ce qu’ils disent ou pensent. Pouvoir lire les pensées sans toucher notre ennemi et à une si longue distance est une veine pour nous

- Qu’en disent les unificateurs ?

- C’est la petite touche sympathique ; ils vont regarder ailleurs, pendant que nous ferons le ménage. Ce n’est pas plus difficile que ça.

- Vraiment ? Eh bien, je suis perplexe, mais la situation ne laisse pas d’autre choix de toute manière. Ils regardent ailleurs, ça me va très bien. Et donc on les supprime comment ? Avec quoi ?

- Bon, dans un premier temps, il va falloir observer toujours et encore, sans se faire repérer, pour trouver leur faille. Ça ne va pas être simple, on a eu droit à un curieux spectacle. Pour passer le temps, ils sautent d’un des flancs de montagne. Le jeu consiste à voir lequel arrive en bas avec le moins de blessures. Ils se relèvent après une chute vertigineuse, dans les gloussements d’hilarité. Tu entends d’abord le choc du corps percuté à vive allure, les os craquer à la rencontre du sol, la peau se déchirer suite à l’explosion des veines. Et après cette chute mortelle, le vampire se relève, remet ses os en place et aucune plaie n’a le temps de saigner car elle se referme après quelques minutes, comme par magie.

- Tu plaisantes, ne me dis pas qu’ils sont immortels?

- Seule la mort est immortelle et je doute qu’elle ait donné tant de pouvoirs sans être capable de les supprimer en un clin d’œil. Il y a forcément une solution. A nous de la trouver.

Chaiptre VII . Agissement hors de contrôle.

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