Gabrielle se tenait debout dans un boudoir du salon des Archanges. Ca faisait si longtemps que je ne l’avais pas vue. Je me rappelais sa beauté et son parfum. Mais en la voyant maintenant, je me rendis compte que mon souvenir était bien pâle. C’était une déesse.

Elle portait une somptueuse robe de taffetas écrue cousue de fil d’or dont la longueur courait sur les tapis, le bas étant couvert de tissus en forme de pétales jaunes et soyeux. Sa poitrine était soutenue par un ras de cou en satin écru renforcé d’un ourlet de dentelle fine qui tombait en pointe. Chaque extrémité donnait naissance à une perle précieuse en forme de goutte d’eau. Au creux de sa trachée un magnifique cabochon de pierre de lune scintillait.

Son visage était magnifique, un bel ovale chaussé de grand yeux bleus, un petit nez pointu et de lèvres roses toutes fines. Sur la naissance de son front, une tiare dorée était enchevêtrée à la racine de ses cheveux qui tombaient comme une chute de boucles entre ses ailes.

Personne ne rivalisait avec la beauté de ma mère. Elle m’accueillit bras tendus, un sourire empli de compassion.

- Dans mes bras mon fils, je suis tellement navrée.

- Mère, heu Gabrielle. A présent adulte, j’avais du mal à l’appeler maman et en public cela n’arrivait jamais.

Honteux comme si j’avais quatre ans, tout mon aplomb venait de tomber en miettes devant ma mère protectrice. Je courus me réfugier dans ses bras. En sécurité dans le cocon maternel, la pression retombait et je me laissais même aller à verser quelques larmes. Il y avait bien longtemps que je ne l’avais pas vue, trop occupé par mes nouvelles prérogatives d’ange noir.

Gabrielle me caressait les cheveux d’une main bienveillante, en embrassant le sommet de mon front comme quand j’étais petit. Sauf qu’à présent, j’avais presque la même taille qu’elle. Là, enfoui entre ses bras dans l’étreinte confortable, le nez dans sa poitrine, je me sentis soudain gêné de tant de proximité. Je n’étais plus un enfant. Je me détachai doucement, pour ne pas l’offusquer.

- Je suis désolé, pardonnez-moi.

- Satya ! Le cœur d’une mère est un abîme au fond duquel se trouve toujours le pardon.

- Merci ! Il y a bien trop longtemps que nos occupations ont écarté nos chemins.

- Oui ! C’est vrai, hélas ton père a plus de mal, mais rassure-toi, il ne t’en tiendra pas rigueur, si nous arrivons à trouver une sortie favorable à tout cela.

- Clotaire m’a dit que vous aviez prédit la naissance de l’enfant ?

- C’est exact et si nos routes s’étaient croisées davantage, j’aurais pu anticiper les choses.

- Avez-vous eu de nouvelles visions ?

- Oui ! Mais cela est confus. Je vois la forêt, j’entends des cris, je ressens beaucoup de confusion, de la peine mais aussi de l’espoir. Hélas, je ne vois aucun visage, chaque jour c’est un mélange de sentiments. Mais, l’enfant est en vie. Parfois, j’arrive à avoir une brève rencontre avec son âme, elle est déjà très douée cette petite et cela peut nous être d’un grand secours.

- Elle ?

- Nos communions sont toujours furtives car sa jeunesse ne permet pas de long contact. Par ailleurs, je ne sais que ce qu’elle veut bien me laisser voir. On l’appelle Elisabeth.

- Une fille … ! Et en plus elle a le pouvoir de transfert de pensée. C’est à la fois fascinant et horrifiant. Donc on peut spéculer qu’elle se trouve dans une forêt ou un bois et qu’elle n’est pas seule, c’est ça ?

- J’ai essayé toute la journée et toute la nuit, mais presque rien. J’entends des bribes de conversation.

- Peut-être que vous devriez parler à Claire, elle est réveillée.

- Pour le moment Clotaire juge qu’il est encore trop tôt, mais je m’entretiendrai avec Samuel à ce sujet. Laissons-la prendre ses repères avant de la replonger dans ce cauchemar.

- Qu’attendez-vous de moi, mère ?

- Tu vas devoir partir avec l’équipe de traqueurs, il nous faut trouver des informations. Commencez à chercher dans tous les bois, bosquets, forêts, autour de l’ancienne demeure de Claire. Tu devras te plier aux consignes d’Artus et, s’il te plaît, écoute-le. Dès que vous aurez le moindre petit indice, reviens vers moi, que nous regroupions nos informations. Pour le moment nous avançons en aveugle. Ils t’attendent dans la salle du conseil, ils sont prêts à partir.

- Bien, alors je prends congé de vous immédiatement.

- Attends !

Gabrielle posa ses mains sur chacune de mes épaules et elle posa son front sur le mien, elle ferma les yeux et murmura « Puisse le chemin monter à ta rencontre. Puisse le vent souffler dans ton dos, le soleil chaud briller sur ton visage, la pluie tomber douce sur tes champs, et jusqu’à notre prochaine rencontre, que le ciel te tienne au creux de sa main. Amen »

Elle avait déposé un dernier baiser appuyé sur mon front. Sans me retourner je sortis de la pièce pour me précipiter dans la salle de l’assemblée.

Gabrielle.

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